Mars 2024 - n° 868

Au-delà de l'océan…

« Les larmes de nos souverains ont souvent le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée. »

Richelieu
136 pages

Guerre navale en mer Noire, frappes des rebelles houthis sur des navires en mer Rouge avec un impact déjà notable sur l’économie mondiale – hausse des tarifs du transport maritime, sans oublier le manque à gagner pour l’Égypte et le canal de Suez (sa troisième source de revenus) – et sans aller jusqu’à l’affrontement direct, l’accroissement des tensions sur le bien commun que constituent les océans. Lire la suite

  p. 1-1

Au-delà de l'océan…

La conflictualité évolue en s’aggravant avec le retour de la haute intensité. Le milieu maritime est directement impliqué dans ce risque d’escalade et la Marine nationale doit s’y adapter d’autant plus que la protection de nos intérêts et de nos DROM-COM est une exigence supplémentaire. Cela exige une modernisation capacitaire permanente. Lire la suite

  p. 7-12

Le groupe aéronaval (GAN) constitue un atout majeur pour le contrôle des océans, à condition que son emploi puisse évoluer et s’adapter à une nouvelle conflictualité marquée par la haute intensité. Cela signifie un élargissement du spectre des missions et des moyens dont les drones. Cela exige une réactivité et une adaptabilité élevée, s’appuyant sur une interopérabilité entre alliés. Lire les premières lignes

  p. 13-18

Le combat naval entre dans un cinquième âge où la guerre en réseau s’appuyant sur de nombreux effecteurs est devenue une réalité. Cela oblige à réfléchir aux nouvelles exigences imposées pour cette mutation. Le groupe aéronaval (GAN) constitue un atout majeur à condition de s’adapter pour obtenir cette capacité à agir dans tous les milieux. Lire les premières lignes

  p. 19-26

Après la période d’entretien intermédiaire qui avait débuté en mai dernier, le porte-avions a entamé sa remontée en puissance pour être pleinement opérationnel au printemps. Cet arrêt a permis de moderniser plusieurs installations et d’améliorer les espaces vie de l’équipage. Celui-ci a pleinement participé aux travaux et est désormais totalement concentré sur les prochaines opérations du PA CDGLire les premières lignes

  p. 27-32

Les lignes de communication maritimes sont désormais essentielles et sont de fait vitales pour les économies mondiales. Cela oblige à prendre en compte l’accroissement des menaces directes comme en mer Rouge. La maîtrise des mers est indispensable et nécessite des forces navales plus conséquentes avec l’accroissement des tonnages des futures plateformes comme le Porte-avions de nouvelle génération (PANG) français. Lire les premières lignes

  p. 33-38

Le porte-avions avec son groupe aéronaval est un outil politique majeur, par sa visibilité et sa puissance militaire intrinsèque. Les États-Unis ont ainsi déployé deux groupes au Proche et Moyen-Orient depuis la crise enclenchée le 7 octobre 2023. Cela a permis d’envoyer des messages aux différents protagonistes pour éviter une escalade incontrôlée. Le porte-avions est l’outil de la diplomatie navale. Lire les premières lignes

  p. 39-47

Si le front terrestre attire l’attention, la guerre en Ukraine est aussi navale avec l’enjeu du contrôle de la mer Noire. Celle-ci est devenue un théâtre militaire majeur avec de nombreux enseignements dont le manque de pertinence de la distinction entre maritime et naval, comme le démontre la question du trafic commercial essentiel pour les deux camps. Lire les premières lignes

  p. 48-54

8es Rencontres géopolitiques de Trouville-sur-Mer

Devenues en quelques années le principal festival géopolitique de France, les Rencontres annuelles géopolitiques de Trouville-sur-Mer, partenaires des Presses universitaires de France, eurent pour thème en 2023 « Mers et océans ». Lire la suite

  p. 55-56

L’océan est un espace de confrontation, de compétition et de coopération. Hier, la mer faisait peur et générait des mythes majeurs comme Ulysse errant pour retrouver Pénélope. Aujourd’hui, la course au contrôle de ce bien commun exacerbe les tensions et les rivalités entre les puissances maritimes. Plus que jamais, l’océan est devenu l’espace des imaginaires. Lire les premières lignes

  p. 57-62

Entre 1669 et 1765, des officiers de plume sont désignés par les Rois de France pour aller servir aux Amériques. Les missions étaient à risque, à commencer par la longue traversée de l’Atlantique où les risques étaient réels. Cependant, de telles affectations pouvaient signifier de nombreux avantages dont l’enrichissement ainsi qu’une reconnaissance par le Roi. Lire les premières lignes

  p. 63-67

Le rocher de Rockall dans l’Atlantique Nord est un récif inhabitable faisant à peine 5 m², mais il a fait l’objet de disputes quant à sa souveraineté. Propriété du Royaume-Uni, il a été revendiqué par le Danemark, l’Irlande et l’Islande, tous étant intéressés par les ressources halieutiques autour. Au point que le dossier est toujours ouvert. Lire la suite

  p. 68-71

La piraterie est une réalité ancienne qui débute durant l’Antiquité avec l’objectif de piller pour s’enrichir. À partir du XVIe siècle, la guerre de course voit l’émergence du corsaire qui, lui, agit pour le compte d’un souverain. Aujourd’hui encore, il existe un mythe du « pirate illustre » notamment au cinéma. Et pourtant la piraterie reste une réalité dans certaines mers, obligeant les États à intervenir. Lire les premières lignes

  p. 72-80

Approches régionales

Le Baloutchistan est partagé entre l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan. Dès lors, il est au cœur de toutes les tensions entre ces États avec de nombreuses formes comme les contrebandes, les rivalités ethniques, les querelles de souveraineté et la nature différente des régimes politiques. Téhéran a cru pouvoir instrumentaliser la question baloutche mais Islamabad a su y répondre avec efficacité. Lire les premières lignes

  p. 83-90

Le Sahel connaît depuis des années une instabilité chronique, notamment avec un terrorisme islamiste déstabilisateur. La mauvaise gouvernance, la corruption et l’insécurité mettent à mal le développement économique, créant de ce fait des flux migratoires vers le nord et l’Europe. Dès lors, la démocratie comme mode politique est fragilisée et remise en cause par les Africains eux-mêmes. Lire les premières lignes

  p. 91-96

Le Caucase du Sud est une véritable mosaïque d’États et de nationalités aux destins souvent contrariés. Cet héritage de l’URSS a entraîné une fragilité des nouveaux pays et des conflits entre eux, attisés par des rivalités anciennes. Avec la guerre en Ukraine, Moscou reste un acteur indispensable mais contesté. D’autres puissances regardent avec intérêt le Caucase. Lire les premières lignes

  p. 97-104

Repères

La défense antimissile est un élément essentiel pour l’Inde dans le cadre conceptuel de sa dissuasion. Celle-ci repose sur le nucléaire mais aussi le conventionnel. La protection antiaérienne du territoire indien s’oriente vers une utilisation accrue de l’Intelligence artificielle (IA) pour accroître ses performances opérationnelles. Cela exige des développements importants autour des systèmes d’armes et de leur sécurisation. Lire les premières lignes

  p. 105-110

Chroniques

Il y a 80 ans, la bataille de Diên Biên Phu débutait. Le choix tactique fait par le commandement français a abouti à la défaite. Mais celle-ci résulte d’abord de l’incapacité des différents gouvernements de la IVe République à définir un objectif politique puis stratégique sur le devenir de l’Indochine française. Des non-choix successifs aux conséquences dramatiques. Lire les premières lignes

  p. 112-115

Le contentieux territorial entre le Venezuela et le Guyana sur la région frontalière de l’Essequibo s’est récemment aggravé. Caracas regarde avec envie les ressources potentielles de cette partie de la forêt amazonienne. Les États-Unis et d’autres partenaires comme le Royaume-Uni se sont investis afin de réduire les tensions et un risque de dérapage. Lire les premières lignes

  p. 116-122

La série Cœurs noirs diffusée récemment sur France 2 met en avant les forces spéciales françaises dans une mission complexe se situant en Irak. Le réalisme du scénario et la qualité de la réalisation méritent d’être retenus, permettant ainsi de découvrir – dans un cadre de fiction – une réalité opérationnelle trop méconnue. Lire les premières lignes

  p. 123-128

Foreign AffairsLa dernière livraison de Foreign Affairs nous propose un article aussi intéressant que pertinent par le sujet traité : les États-Unis saisis par le doute de leur puissance. Écrivain américain, Fareed Zakaria est un contributeur régulier à la revue américaine et animateur d’une émission spéciale sur CNNLire la suite

  p. 129-130

Recension

LivreMai 2028. Alors que Washington est confronté à une crise climatique précoce et que l’Administration en place est contrainte par la perspective des élections présidentielles qui approchent, les maîtres de Pékin décident de passer à l’offensive pour reprendre la province rebelle de Taïwan. Le moment est favorable : en 2028, la People’s Liberation Army (APL) recueille les fruits de deux décennies de réformes et de modernisation, la démographie chinoise n’est pas encore totalement défavorable, les États-Unis ont les yeux rivés ailleurs et n’ont pas encore totalement achevé leur renforcement militaire dans le Pacifique. Le successeur de Xi Jinping lance alors l’opération du siècle, qu’il espère courte. L’invasion de Taïwan est menée depuis la côte est chinoise, de manière fulgurante, dans tous les champs et dans tous les milieux. Frappes de décapitation, bombardements intensifs sur Taïwan et sur les forces américano-japonaises du Pacifique, verrouillage du détroit de Taïwan par des essaims de drones sous-marins, assauts amphibies, désinformation tous azimuts… toute la symphonie de la puissance est mise en œuvre par Pékin. La première grande guerre du XXIe siècle a commencé… et s’achève quelques mois plus tard par une déroute chinoise face à la réaction militaire du front allié mené par Washington. Lire la suite

  p. 131-132

Revue Défense Nationale - Mars 2024 - n° 868

Au-delà de l'océan…

The nature of conflict is evolving: with the return of high-intensity warfare it is becoming distinctly worse, bringing with it the risk of escalation, which directly involves the maritime environment. The French Navy has to adapt to these developments whilst taking on board the additional demands of the protection of our interests and of our overseas departments, regions and collectivities. That will require continuous modernisation of its capabilities. Read more

The naval-air group (groupe aéronavalGAN) is a major asset for command of the maritime space as long as its use can evolve and adapt to a new type of high-intensity conflict. This supposes a greater range of missions and equipment, which would include drones. That in turn demands reactivity and great adaptability, supported by interoperability between allies.

Naval combat is entering a fifth age in which networked warfare employing a great number of effectors has become reality. It compels us to reflect upon the new demands this development entails. The naval-air group (groupe aéronavalGAN) will continue to constitute a major advantage but only if it is adapted to acquire the capability to operate in all environments.

After the intermediate maintenance period which began last May, the aircraft carrier began its work-up in order to be fully operational in the spring of 2024. The maintenance period included the modernisation of installed equipment and improvement in crew living spaces. The crew played its full part in this work and is now fully concentrated on the future operations of the CVN CDG.

Sea lines of communication (SLOCs) are essential, indeed vital for world economies. They require us to take into account the growth in direct threats, such as those in the Red Sea. Control of the seas is equally essential and requires greater naval forces and greater tonnages of future ships, such as the French new-generation aircraft carrier (porte-avions de nouvelle générationPANG).

The aircraft carrier and its naval-air group is a major political tool by virtue of its visibility and its intrinsic military power. It is for that reason that the United States has deployed two carrier strike groups to the Middle East since the crisis that started on 7 October 2023: it sends messages to the various protagonists in order to avoid uncontrolled escalation. The aircraft carrier is a tool for naval diplomacy.

Whilst the land battle attracts most attention, the war in Ukraine is also a naval one, with control of the Black Sea at stake. The Black Sea has become a major military theatre which offers a number of lessons to be learned. Among them, the irrelevance of any distinction between maritime and naval, as demonstrated by the issues of commercial traffic for both sides.

The oceans are a space of confrontation, competition and cooperation. In the past, the sea was frightening, and gave rise to famous myths such as Odysseus’s wanderings in search of Penelope. Nowadays the race for control of this common property increases tensions and rivalry between maritime powers. Today, more than ever, the oceans are a space for the creative.

Between 1669 and 1765, the kings of France appointed administrative officers to service in the Americas. Theirs were high-risk missions, not least with the long Atlantic crossing and its own particular hazards. That aside, these appointments could bring their holders a number of advantages, including wealth and recognition by the king.

Rockall is an uninhabitable rock in the North Atlantic with a surface area of barely 780  square meters, which has long been the subject of disputes regarding its sovereignty. It is owned by the United Kingdom yet it, or the sea areas that surround it, have been the subject of claims by Ireland, Iceland and Denmark—all attracted by the fishing grounds. The case for Rockall is far from settled. Read more

Piracy has been with us since ancient times, its aim being to pillage for wealth. Commerce raiding from the 16th century on saw the arrival of the corsaire (privateer) who acted on behalf of the sovereign. Today, there remains a degree of nostalgia for the dashing pirate of the past, especially in the cinema, and yet piracy remains a brutal reality in some of the world’s seas, obliging state actors to intervene.

Regional Approaches

Baluchistan overlaps Iran, Pakistan and Afghanistan, which puts the region at the heart of the tensions between these countries. These tensions take on different forms such as smuggling, ethnic rivalry, sovereignty disputes and the differing natures of the political regimes. Tehran thought it could exploit the Baluchistan question but Islamabad was able to respond effectively.

The Sahel has suffered chronic instability for many years, the result in particular of destabilising Islamist terrorism. Poor governance, corruption and insecurity have adversely affected economic development, which has generated flows of migrants to the north and to Europe. Democracy as a political structure has been undermined and is now called into question by the Africans themselves.

The south Caucasus is a mosaic of states and nationalities of greatly differing destinies. The heritage of the USSR has brought fragility to the new countries and led to conflicts between them, fanned by age-old rivalries. With the war in Ukraine, Moscow remains an essential, albeit challenged player. Other powers are looking with interest at the Caucasus.

Viewpoints

Anti-missile defence is essential to the Indian concept of deterrence, which relies on both nuclear and conventional means. Air defence of Indian territory is looking towards increased use of artificial intelligence (AI) to improve its operational performance. This will require major developments in weapon systems and their security.

Chronicles

The battle of Dien Bien Phu began 80 years ago. The tactical decision made by the French command led to the defeat, yet the prime responsibility for it resulted from the inability of successive governments of the Fourth Republic to set political and strategic objectives for the future of French Indochina. Repeated lack of decision led to the dramatic consequences.

The disputes between Venezuela and Guyana have recently worsened in the Essequibo border region. Caracas enviously eyes the potential resources of that part of the Amazonian forest. The United States and other partners such as the United Kingdom are committed to reducing tension and the risk of escalation.

The series Cœurs noirs (Black Hearts), recently seen on the TV channel France 2 focuses on French special forces on a complex mission set in Iraq. The realism of the scenario and the quality of production are worthy of mention: whilst the situation is fictional, they convey the operational reality of a little-known force.

Book Review

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Au-delà de l'océan…

Guerre navale en mer Noire, frappes des rebelles houthis sur des navires en mer Rouge avec un impact déjà notable sur l’économie mondiale – hausse des tarifs du transport maritime, sans oublier le manque à gagner pour l’Égypte et le canal de Suez (sa troisième source de revenus) – et sans aller jusqu’à l’affrontement direct, l’accroissement des tensions sur le bien commun que constituent les océans.

La maritimisation du monde est une réalité déjà ancienne mais qui ne cesse de croître, impactant directement nos économies et donc nos modes de vie. Or, trop souvent la distance géographique des zones crisogènes nous fait oublier cette réalité. Notre sécurité et donc notre souveraineté se jouent par-delà les terres et les océans. L’histoire fait que la France est, des pays européens, celui qui est présent quasiment sur tous les continents et les mers, de la Polynésie française à l’îlot de Clipperton au large du Mexique. Cela exige de se donner les moyens de garantir notre liberté d’action.

Ces événements et le 24 février 2022 démontrent d’une part, le retour au rapport de force avec le risque réel de confrontation et, d’autre part, la nécessité d’avoir les outils pour faire face à cette montée des tensions clairement assumée par nos compétiteurs stratégiques dont la Russie en premier plan. Parmi ces outils, les Groupes aéronavals (GAN) autour d’un porte-avions permettant de projeter nos forces là où c’est nécessaire. La France et les États-Unis disposent de cette capacité majeure qui, aujourd’hui encore, démontre sa cohérence et son adaptabilité. Le PA Charles-de-Gaulle vient d’effectuer une période d’Indisponibilité pour entretien intermédiaire (IEI) de plusieurs mois à Toulon avec remise à niveau de nombreux équipements et rénovation de zones vie du bâtiment afin de lui redonner un potentiel conséquent pour répondre à de nouvelles menaces. À cet arrêt technique succède désormais une phase de remontée en puissance, pour pouvoir demain réengager le GAN dans de nouvelles missions au sein d’un espace maritime qui n’est plus permissif.

On s’était habitués trop facilement à cette relative tranquillité sur les mers au point de s’interroger sur la pertinence d’un GAN qui, par sa technicité, est particulièrement coûteux. Cependant, au regard de cet environnement géostratégique très dégradé, il demeure un acteur de premier plan, assurant non seulement un rôle de diplomatie navale, mais également une capacité majeure de coercition face à des entités hostiles.

Ces réflexions autour de cette composante majeure de nos forces doivent également prendre en compte les évolutions géopolitiques liées aux océans qui touchent de nombreux domaines d’activités humaines. Les interactions dans tous les espaces, du fond des mers aux voûtes étoilées, en passant par le cyber, rythment non seulement notre quotidien mais de la manière dont nous les contrôlerons dépendra très certainement notre capacité à agir et à assumer notre souveraineté. ♦

Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Mars 2024 - n° 868

Au-delà de l'océan…

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