Décembre 2019 - n° 825

Le droit et l'usage de la force armée

« La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique. [...] Il faut donc mettre ensemble la justice et la force et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. »

Blaise Pascal

Toute revue se doit d’évoluer en fonction de la demande de ses lecteurs et de l’évolution des grands enjeux auxquels nous sommes confrontés. La Revue Défense Nationale ne fait pas exception, qui s’attache depuis plus d’un demi-siècle à participer aux débats portant sur la défense de notre pays au sens le plus large. Lire la suite

  p. 1-1

Le droit et l'usage de la force armée

Le colloque organisé par la DAJ sur le droit et les armées constitue une opportunité pour ouvrir de nouveaux champs de réflexion pour nos opérations. La DAJ depuis vingt ans apporte une contribution majeure au service de nos armées, mais aussi pour permettre à la France de rester un acteur de premier plan. Lire la suite

  p. 7-11

La relation entre le droit et les armées constitue une source de réflexion permanente avec des approches différentes en fonction des sensibilités. Il est donc important d’analyser comment fonctionne le rapport entre le juge et le soldat, en particulier lorsque l’action ressort de la guerre. Lire la suite

  p. 12-14

L’action militaire est complexe, le droit est subtil et la démocratie est exigeante. Il est donc nécessaire d’établir un dialogue permanent plus rigoureux pour éviter de tomber dans des dysfonctionnements de perception et de procédures fragilisant l’efficacité des armées. Lire les premières lignes

  p. 15-20

Le militaire n’est pas un travailleur ordinaire dont l’action pourrait être banalisée et strictement soumise au droit commun. Il y a une évolution juridique récente qui a permis de mieux prendre en compte les exigences d’engagement tout en respectant les grands principes du droit. Lire les premières lignes

  p. 25-30

Le secret-défense est un élément important pour garantir la sécurité de la Nation. Ses modalités sont strictes, encadrées et nécessaires. Toutefois, un meilleur partage entre l’exécutif et le législatif facilite une compréhension mutuelle d’enjeux majeurs et complexes pour maintenir la souveraineté nationale. Lire les premières lignes

  p. 31-38

Le droit international humanitaire n’a cessé d’évoluer et de se perfectionner au fil des ans. Respecter le DIH est un enjeu permanent concernant toutes les parties en cause. Des progrès restent à faire notamment pour les groupes non étatiques et pour la prise en compte des personnes capturées. Lire les premières lignes

  p. 39-50

Les sanctions économiques à dimension internationale ont des aspects juridiques complexes et démontrent une certaine faiblesse de l’Europe notamment face aux États-Unis. Il est nécessaire de renforcer notre arsenal juridique européen pour mieux répondre aux défis de l’extraterritorialité. Lire les premières lignes

  p. 51-61

L’économie de défense a ses spécificités propres, pas forcément compatibles avec le droit de la concurrence. Il est nécessaire ainsi d’avoir une vraie politique industrielle permettant à l’Europe d’asseoir sa souveraineté stratégique dans la compétition internationale. Lire les premières lignes

  p. 62-73

L’action militaire a été confrontée depuis plusieurs années à une judiciarisation accrue qui a pu entraver la liberté d’action des chefs en opération. Il a été nécessaire de trouver des voies permettant de légitimer nos engagements. En France, la Direction des affaires juridiques a contribué à accroître l’efficacité de nos forces. Lire les premières lignes

  p. 74-79

Opinions

Les technologies de renseignement sont en retard en France pour de nombreuses raisons économiques et politiques, offrant le champ libre aux produits américains. Il est urgent d’avoir une nouvelle approche plus innovante et performante. Il y va de notre souveraineté technologique. Lire les premières lignes

  p. 83-89

Les Forces aériennes stratégiques viennent de fêter leurs 55 ans de vie opérationnelle, démontrant au quotidien la pertinence de notre doctrine de dissuasion. La crédibilité et l’excellence technologique de nos FAS sont les résultantes des efforts faits par la France depuis le début des années 1960 pour garantir sa souveraineté. Lire les premières lignes

  p. 90-95

Le lanceur d’alerte est devenu un acteur apprécié de l’opinion publique en sensibilisant celle-ci sur des risques parfois majeurs. Dans le domaine de la défense, cette question pose une difficulté avec le risque d’une divulgation d’informations sensibles et dont la protection reste nécessaire. Lire les premières lignes

  p. 96-100

La Russie est à la fois un exportateur majeur d’hydrocarbures et un gros émetteur de CO2. Cependant, Moscou souhaite développer une coopération avec l’Union européenne pour pouvoir lutter contre le réchauffement climatique. Cette approche devra s’inscrire dans la durée. Lire les premières lignes

  p. 101-106

Le quarantième anniversaire du premier tir d’une fusée Ariane permet de rappeler le processus initié aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale amenant la France puis l’Europe à l’autonomie spatiale. Ces efforts – inscrits dans la durée – doivent être poursuivis. Lire les premières lignes

  p. 107-113

Chronique

La libération des Alpes à l’été 1944 fut marquée d’abord par la bataille du Vercors où la Résistance, malgré sa vaillance, fut vaincue puis par la progression des unités alliées suite au débarquement de Provence. Lire les premières lignes

  p. 115-123

Recensions

François-Emmanuel Brézet : Hitler et la mer  ; Éditions Perrin, 2019 ; 362 pages - Jérôme Pellistrandi

L’historien de marine, F.-E. Brézet, a déjà produit des travaux passionnants et de références sur la marine de guerre allemande durant les deux guerres mondiales. La question récurrente était comment un État récent dont l’unification ne datait que de 1871, et dont l’essentiel de sa géographie était continental, pu conduire une politique navale ambitieuse, mais au final ayant échoué. Ce fut le cas de la marine de Guillaume II dont l’intérêt pour les questions maritimes a été évident et il en fut de même pour le IIIe Reich avec une différence majeure, le peu d’attrait d’Adolf Hitler pour la mer qu’il percevait comme « unheimlich », c’est-à-dire hostile. Lire la suite

  p. 125-126

John Prados : Histoire de la CIA - Les fantômes de Langley  ; traduit de l’anglais (États-Unis) par Antoine Bourguilleau ; Perrin, 2019, 544 pages - Serge Gadal

L’ambition affichée par John Prados dans son dernier livre était de nous expliquer comment une organisation créée de bric et de broc en 1947 à partir de divers services de renseignement américains (OSS, National Intelligence Authority, Central Intelligence Group), hébergée jusqu’en 1962 dans des préfabriqués insalubres dans le parc du Lincoln Memorial à Washington, en est venue à jouer un rôle si important dans les affaires du monde, notamment par ses opérations de changement de régime. Malheureusement, malgré l’évocation d’un certain nombre d’opérations emblématiques (de la Pologne à la Hongrie de 1956, en passant par l’Indochine, l’Iran, les Contras, sans oublier la baie des Cochons, les activités de propagande de Radio Free Europe et la lutte contre le terrorisme) le lecteur en restera quelque peu sur sa faim. Lire la suite

  p. 126-128

Franck Michelin : La Guerre du Pacifique a commencé en Indochine : 1940-1941  ; Passés Composés - Ministère des Armées, 2019 ; 318 pages - Jean Esmein

M. Franck Michelin offre une histoire complète des premiers conflits dans l’Indochine française sur le point de passer à l’heure japonaise. Elle couvre les mois séparant la défaite de la métropole en 1940 et l’orée de la guerre dans le Pacifique. Elle est féconde, enrichie de sources japonaises raisonnées, et dit comment l’occupation du sud de l’Indochine, en juillet 1941, fut pour l’empire japonais un point de non-retour, alors qu’une insoluble crise interne lui avait fait choisir le camp des pays totalitaires auprès desquels se noua une alliance fatale. Un mouvement expansionniste débordant de la guerre de Chine affirma son ardeur et, entre les dirigeants japonais, des factions rivalisèrent pour en prendre la tête. L’auteur dit que c’est à l’occasion de la stratégie choisie pour l’Indochine et à mesure que la guerre du Pacifique approchait qu’une réunion se fit en haut de l’État dans la voie de l’évolution totalitaire que l’on sait, pour que finalement l’empire japonais fédère une partie de l’Asie. Dans les faits que rapporte avec soin cet ouvrage, il y a d’abord un coup-de-poing sur la frontière (une frontière internationale surveillée par toutes les nations : l’Armée impériale s’en repentira) puis le stationnement de forces en Indochine du Sud (alors on voit nettement la fatalité de la guerre). Lire la suite

  p. 128-131

Dominique David (dir.) et Thierry de Montbrial (avant- propos) : Une Histoire du monde, 40 ans de relations internationales  ; Dunod, 2019 ; 240 pages - Claude Le Borgne

Pour le quarantième anniversaire et de l’Institut français des relations internationales et de son rapport annuel connu sous le sigle opportun de RAMSES, l’Ifri nous offre une riche rétrospective, élaborée sous la direction de Dominique David et précédée d’un avant-propos de Thierry de Montbrial. À juste titre, l’Institut se targue d’être le premier think tank français en matière de questions internationales. Parlons français, qu’est-ce qu’un « think tank » ? Proprement traduit, un bidon d’idées. Le bidon, ici, est bien rempli et le temps partagé judicieusement en quatre décennies, de 1979 à 2019. Lire la suite

  p. 131-131

Jean-Marc Marill : Histoire des guerres révolutionnaires et impériales (1789-1815)  ; Nouveau Monde Éditions, 2019 ; 540 pages - Emmanuel Desclèves

La guerre influença profondément l’histoire de la Révolution française. Elle emporta la royauté de l'époque comme la république girondine, et elle permit l’instauration de la Terreur par les Montagnards. Justifiant la dictature jacobine, elle favorisa ensuite l’ascension du général Bonaparte sur les décombres d’un Directoire discrédité notamment par ses échecs militaires. Instauré en mai 1804, l’empire préservait les principaux acquis de la Révolution, mais il en héritait aussi la guerre perpétuelle. L’armée fut donc un acteur politique de tout premier plan dans cette période charnière de l’histoire. Lire la suite

  p. 132-132

Revue Défense Nationale - Décembre 2019 - n° 825

Le droit et l'usage de la force armée

The colloquium on law and the armed forces, organised by the DAJ (Direction des Affaires Juridiques—the Legal affairs directorate), is the occasion to seek out new lines of thinking about our operations. For twenty years, the DAJ has made a major contribution to our forces and has also enabled France to remain a first-rate player. Read more

The relationship between the law and the armed forces is a source of permanent scrutiny, engendering different approaches depending on the sensitivities encountered. It is therefore important to analyse the relationship between the judge and the soldier—especially when the action is a function of war. Read more

Military action is complex, the law finely nuanced and democracy demanding. We need therefore to develop a permanent and more rigorous dialogue that avoids being deceived by errors in perception and procedures that damage the effectiveness of the armed forces.

Military personnel are not ordinary working people whose actions can be seen in simple terms and which have to obey common law. Recent legal developments now allow better consideration of the demands of military commitment whilst at the same time continuing to respect the broad principles of the law.

The classification ‘secret-defence’ is an important part of guaranteeing the nation’s security. It is governed by necessarily strict rules that are clearly defined. That said, better sharing of information between the executive and legislative powers would ease mutual comprehension of major issues and aid maintenance of national sovereignty.

Over the years, International Humanitarian Law (IHL) has continued to be refined and developed. Ensuring respect for IHL is a constant battle that concerns all the parties involved. There is much room for further progress, particularly among non-state actors and to take into account the treatment of prisoners.

International-level economic sanctions have complex legal dimensions and highlight European weakness in comparison with the United States. There is a need to strengthen the European legal arsenal if we are to respond better to extra-territorial matters.

The defence economy has its own peculiarities which are not necessarily compatible with the laws that govern competition. We therefore need to have an industrial policy that allows Europe to project its strategic independence into international competition.

Over a number of years, the legal analysis to which military action has been increasingly subjected has hindered the freedom of action of forces chiefs on operations. In the much-needed search for ways of legitimising French commitments, the legal affairs directorate has been contributing to improving the effectiveness of our forces.

Intelligence technologies have fallen behind in France for a number of economic and political reasons, which in turn has left the field open to American products. We urgently need a new, more innovative and effective approach: our technological independence relies on it.

The strategic air forces (Forces aériennes stratégiques—FAS) have just celebrated 55 years of operations, demonstrating every day the relevance of our deterrence doctrine. The credibility and technological excellence of our FAS are the fruit of effort made by France since the beginning of the nineteen-sixties in order to secure its sovereignty.

The whistle-blower has become a popular folk hero, since he or she makes the public aware of risks that are sometimes considerable in extent. The subject raises a particular difficulty in the field of defence—the risk of revealing sensitive information. Protection of such information remains necessary.

The fortieth anniversary of the first firing of the Ariane rocket is the occasion to look back to the process that began not long after the Second World War that led France and, later, Europe towards independence in space. These long-term efforts need to be continued.

Chronicle

Liberation of the Alps in the summer of 1944 was achieved after the battle of the Vercors, in which, despite its bravery, the resistance was defeated, and also through the advance of allied units after the landings in Provence.

Book Reviews

François-Emmanuel Brézet : Hitler et la mer  ; Éditions Perrin, 2019 ; 362 pages - Jérôme Pellistrandi

John Prados : Histoire de la CIA - Les fantômes de Langley  ; traduit de l’anglais (États-Unis) par Antoine Bourguilleau ; Perrin, 2019, 544 pages - Serge Gadal

Franck Michelin : La Guerre du Pacifique a commencé en Indochine : 1940-1941  ; Passés Composés - Ministère des Armées, 2019 ; 318 pages - Jean Esmein

Dominique David (dir.) et Thierry de Montbrial (avant- propos) : Une Histoire du monde, 40 ans de relations internationales  ; Dunod, 2019 ; 240 pages - Claude Le Borgne

Jean-Marc Marill : Histoire des guerres révolutionnaires et impériales (1789-1815)  ; Nouveau Monde Éditions, 2019 ; 540 pages - Emmanuel Desclèves

Revue Défense Nationale - Décembre 2019 - n° 825

Le droit et l'usage de la force armée

Toute revue se doit d’évoluer en fonction de la demande de ses lecteurs et de l’évolution des grands enjeux auxquels nous sommes confrontés. La Revue Défense Nationale ne fait pas exception, qui s’attache depuis plus d’un demi-siècle à participer aux débats portant sur la défense de notre pays au sens le plus large.

Comme je vous l’ai déjà indiqué dans mes précédents éditoriaux, le Conseil d’administration de la RDN a souhaité, sans préjudice du suivi régulier de l’actualité, aborder de manière transversale un certain nombre de thématiques qui structurent les débats autour de l’évolution de nos armées, de la défense et l’autonomie d’action de notre pays ainsi que de l’évolution du contexte international.

Le dossier « Le droit et l’usage de la force armée » que nous vous présentons aujourd’hui s’inscrit dans cette démarche. Certes, il ne s’agit pas d’un sujet nouveau, mais il mérite une attention particulière et permanente. Si le chef doit ordonner dans le respect des lois, il importe que les spécificités de la défense nationale ne soient pas remises en cause et que l’état de militaire ne soit pas banalisé. L’enjeu est de taille, car il touche à la question de la souveraineté nationale. Je voudrais donc remercier Mme Claire Legras, directrice de la Direction des affaires juridiques (DAJ) d’avoir bien voulu nous donner la primeur de l’accès aux débats, organisés en juin dernier, à l’occasion du 20e anniversaire de la création de cette direction qui joue un rôle essentiel au ministère des Armées.

Le format même de la RDN ne nous a pas permis de développer in extenso les interventions prononcées (qui représentent plus d’une centaine de pages et feront l’objet d’une publication ultérieure par la DAJ à l’automne). Aussi avons-nous été conduits à sélectionner des extraits de celles qui touchaient notamment à la place du soldat et de l’action militaire dans notre société démocratique, le statut du militaire, et les contraintes de la confidentialité, mais aussi celles qui concernent les conciliations nécessaires pour répondre aux impératifs de l’État de droit, une demande croissante de transparence de la part de la société ainsi que les conditions juridiques de nature à favoriser le développement de l’économie de défense dans un contexte européen.

Plusieurs thématiques abordées lors du colloque ont cependant dû être renvoyées à de prochaines publications de la RDN, s’agissant notamment des implications croissantes du droit international humanitaire dans les opérations, alors que se multiplient les conflits asymétriques, et de la question de la régulation ou non des nouvelles technologies et de leurs implications militaires.

Je tiens également à remercier Mme Camille Faure, directrice adjointe de la DAJ et l’ambassadeur Benoît d’Aboville, du comité de rédaction de la RDN, d’avoir bien voulu veiller à ces transcriptions et à leur sélection.

La RDN se veut naturellement à l’écoute de ses lecteurs et nous souhaitons bénéficier de leurs réactions et suggestions concernant ces sujets. Bien entendu, cette approche ne doit pas pour autant nous conduire à réduire l’attention que nous continuerons de consacrer en particulier à l’évolution du contexte stratégique et à l’actualité de la condition militaire, avec toujours la préoccupation de nous intéresser, au-delà du périmètre national, aux problématiques et aux options mises en œuvre par nos partenaires et alliés. ♦

Thierry Caspar-Fille-Lambie

Revue Défense Nationale - Décembre 2019 - n° 825

Le droit et l'usage de la force armée

La RDN vous invite dans cet espace à contribuer au « débat stratégique », vocation de la Revue. Cette contribution doit être constructive et doit viser à enrichir le débat abordé dans le dossier. C’est l’occasion d’apporter votre vision, complémentaire ou contradictoire. Vos réponses argumentées seront publiées sous votre nom après validation par la rédaction.

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