Collège de l'enseignement supérieur de l'Armée de terre - La logistique au coeur de la stratégie
Si la logistique n’a cessé d’évoluer au fil de l’histoire, elle connaît depuis quelques années de réels bouleversements tant conceptuels que pratiques qui remettent en cause sa place dans le processus d’élaboration des stratégies. Désormais, il convient de l’appréhender comme un système complexe de flux physiques, informationnels et financiers et de la placer au cœur des enjeux de l’ensemble des acteurs économiques et politiques. D’outil d’accompagnement jusqu’à un passé récent, la logistique devient l’un des inducteurs majeurs de marges de progrès, une capacité d’arbitrage pour nos grandes entreprises et une « fonction » désormais incontournable du processus de modernisation du maintien en condition au sein de notre Institution. Placer la logistique au cœur de la stratégie des industriels (étatiques ou privés), c’est admettre cette dernière comme le moyen de définir des alternatives nouvelles aux situations d’aujourd’hui, d’anticiper afin de créer un modèle d’efficacité.
La logistique est communément admise comme un héritage des passés militaires, la résultante de savoirs anciens liés à l’art de la guerre. À l’origine, il s’agissait d’un acte de soutien matériel aux armées, une réponse à un besoin immédiat. Les guerres primitives faisaient du pillage du territoire conquis le fondement de la logistique ; puis l’éloignement, le dimensionnement des moyens engagés, la volonté de durer engendrèrent une logistique raisonnée. Jules César créa une fonction logistique à part entière, « logista », Vauban utilisait le rôle vital de la logistique en affirmant que « l’art de la guerre, c’est l’art de subsister », Napoléon fit montre d’un génie précurseur en validant l’importance de la logistique comme préalable à toute victoire. La Première Guerre mondiale se traduisit par l’apparition d’une organisation logistique militaire industrielle. La Seconde Guerre mondiale marqua l’avènement de la logistique comme outil stratégique (débarquement, industrialisation-standardisation de moyens de guerre). Enfin les derniers conflits, Irak, Afghanistan, ont mis la logistique au cœur des processus militaires. Au fil du temps, la logistique s’est adaptée aux défis, elle a « glissé » vers la société civile à compter de 1945. Pour répondre à l’internationalisation des marchés, la mondialisation, la globalisation, elle est intégrée dans les démarches d’optimisation des organisations, puis elle se « transversalise » dans les années 90 pour devenir une fonction stratégique majeure et unique. Les nouvelles contraintes du marché et de la mondialisation impliquent une plus grande flexibilité et une meilleure adaptation aux changements ce qui induit une intégration logistique plus forte.
Désormais la logistique se révèle comme un outil de management global et intégré dans la société civile, le concept de Supply Chain devient un outil de transversalité ou de « bout en bout ». En passant d’une logique de gestion des stocks à une gestion des flux physiques selon une approche systémique, mais aussi et surtout d’informations, elle renforce son caractère indispensable dans le processus de définition des stratégies d’entreprise. Dans le domaine militaire, elle souffre d’une conception ancienne basée sur l’approche tayloriste qui a pour particularisme de la décomposer en opérations élémentaires : les achats, le stockage, la manutention, les approvisionnements, le transport… Ou bien encore en fonctions autonomes (logistique amont : fournisseurs-magasins centraux-compagnies et sections approvisionnement ; logistique aval : compagnies et sections approvisionnement-corps de troupe/NTI1, 2 & 3). Concrètement cela se traduit au sein du ministère de la Défense, s’agissant du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres, par une efficience globale moyenne, une fragmentation des acteurs et une superposition de configurations logistiques préjudiciables à la cohérence d’ensemble. Pour exemple, la cartographie des flux logistiques met en exergue toute la complexité de l’organisation de la chaîne approvisionnement de l’Armée de terre ; ainsi fait-on coexister plusieurs modes de distribution : livraison directe, crossdocking, livraison via un entrepôt intermédiaire… Ou bien encore les marchés « innovants » qui nécessitent de constantes adaptations du système d’information et le recours à des procédures de travail associées bien (ou trop) souvent aux modes dégradés.
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