Lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères (1976-1978), Louis de Guiringaud disait que l’Afrique était le dernier continent où la France pouvait se donner la sensation d’être encore une puissance internationale capable d’influence. C’est, en effet, une des conclusions à tirer de visites au son des tam-tam et au rythme des danses, dans des pays aux expressions festives spontanées — et fugitives —, aux structures étatiques fragiles, au climat psychologique où persistent les traces d’une magistrature d’influence, corollaire d’une décolonisation dont la mutation, de jure, n’exclut pas des rapports dont la nature, à plusieurs égards, s’apparente dans ses aspects extérieurs à ceux de l’époque tutélaire, malgré un changement décisif : les donneurs d’ordres sont des autochtones, partenaires d’une « coopération » mise en pratique du credo occidental de « l’aide au développement » qui, du fait d’un partenariat radicalement disparate, est affligée d’une inefficacité récurrente. Il y manque, en effet — élément indispensable du succès — une participation active et méthodique des bénéficiaires. S’agit-il d’une impossibilité d’ordre structurel ? L’histoire, il est vrai, a consigné, sur la base de coexistences partagées, les efflorescences de progrès mémorables : les civilisations greco et gallo-romaines, les arts mozarabe et siculo-normand en Espagne et en Sicile sont à mettre au crédit de coopérations où les complémentarités jouaient à plein. Voilà qui n’a rien à voir avec les effets improbables d’apports financiers détournés de leurs objectifs, et de procédures de mise en œuvre où la motivation et les compétences font cruellement défaut. Cela dit, on peut rappeler que les réalisations outre-mer des ex-puissances administrantes, en Afrique notamment, ne furent jamais l’aboutissement de conceptions et d’efforts équitablement partagés… Nos autorités n’en poursuivront pas moins leurs voyages en Afrique pour y être applaudies, sans omettre de tirer de notre budget annuel près de 50 milliards de francs pour prix de ces dispendieuses excursions exotiques dispensatrices d’une popularité fugace. Il n’est guère facile, convenons-en, d’expliquer à nos interlocuteurs que l’esprit de progrès et la volonté d’évoluer ne sauraient faire partie des fameux « transferts de technologie ». La fiction demeure de règle. Pour combien de temps encore ? Lire les premières lignes
200 pages