Depuis le début de 1964, les événements se précipitent dans le monde arabe. On a pu noter en quelques mois, pour ne relever que quelques-uns des faits principaux : deux Conférences arabes au sommet, la création de l’Entité Palestinienne, la mise en train des travaux pour le détournement des affluents arabes du Jourdain, la visite de M. Khrouchtchev en Égypte, les accords bipartites entre Le Caire et Sanaa, Le Caire et Bagdad, l’avènement du Roi Fayçal en Arabie Séoudite, le rebondissement de la guerre du Yémen, de la crise de l’Arabie du Sud et de la révolte kurde, la tension des relations entre République Fédérale Allemande et République Arabe Unie, le voyage en Orient du Président Bourguiba, le dissentiment tuniso-égyptien, etc.

Non seulement s’accumulent des faits, dont le recensement et la mise en parallèle s’imposent, mais encore l’évolution globale de l’Orient arabe semble comporter, à côté de constantes souvent confirmées, quelques remarquables traits nouveaux. Avec le premier Sommet arabe, le Président Gamal Abdel Nasser a changé de style. Cette mutation, si même elle a été purement tactique, comporte des conséquences parfois encore confuses, sinon contradictoires, qu’il faut chercher à préciser.

L’élan que le Raïs a voulu rendre à l’unité arabe, ou du moins à la concorde interarabe, a en effet nécessité un appel aux chefs. Or, Gamal Abdel Nasser demeure cependant le pionnier du socialisme arabe. Peut-il toucher à la fois les souverains et les masses ? Si, selon les lieux, son attitude doit varier, l’unité s’en trouvera-t-elle favorisée ? Et le pluralisme issu des réunions de personnalités de premier plan est-il compatible avec la conception hégémonique de l’arabisme qu’il avait faite sienne, et qui semble correspondre à ses tendances les plus profondes ? À travers tant de divergences, en tout cas, les grandes causes arabes, comme la libération de la Palestine, peuvent-elles progresser ?