Les constellations satellitaires deviennent un outil essentiel pour les opérations militaires. L’enjeu porte sur leur organisation et leur gouvernance. L’IA apporte une efficacité croissante permettant de combiner la hiérarchie du commandement et la flexibilité du polycentrisme. Robustesse et agilité sont indispensables dans un espace devenu saturé et disputé.
Gestion des constellations satellitaires et IA : un enjeu organisationnel pour la défense ?
Managing Satellite Constellations and AI: An Organisational Challenge for Defence?
Constellations of satellites are becoming essential to military operations. The challenge now is their organisation and governance. AI brings increased effectiveness, allowing a hierarchical command chain to be combined with the flexibility of multiple command centres. Robustness and agility are indispensable in a space that has become both saturated and challenged.
Les constellations satellitaires occupent une place croissante dans les opérations militaires. Elles assurent des fonctions vitales – communications, observation, navigation, synchronisation – dont dépend l’efficacité des forces. L’Espace n’est plus un arrière-plan technique : il devient une infrastructure critique, indispensable à la décision et à l’action. Cette évolution intervient dans un environnement contesté où s’entremêlent intérêts étatiques, industriels et commerciaux. La dépendance accrue aux services orbitaux renforce l’exposition aux risques (débris, brouillage, cyberattaques). La gestion des constellations dépasse ainsi la technique pour devenir une question d’organisation, de souveraineté et de coopération.
Les armées reposent historiquement sur des modèles hiérarchiques centralisés, garants de discipline et de réactivité, comme l’a montré le théoricien du management et des structures organisationnelles Henry Mintzberg (Structures in Fives, 1983). Cependant, l’élargissement des interdépendances impose d’envisager des formes de coordination capables de compléter la hiérarchie. Le contexte stratégique, décrit par l’acronyme VUCA (Volatilité, Incertitude, Complexité, Ambiguïté), popularisé par Nathan Bennett et James Lemoine, co-théoriciens du cadre VUCA, analysant la prise de décision en environnement incertain (Harvard Business Review, 2014), illustre la difficulté d’anticiper des dynamiques rapides et instables. La doctrine française, à l’image de la Vision stratégique du Chef d’état-major des Armées (Burkhard, 2021), souligne l’importance de l’agilité et de l’action en coalition. Dès lors que la continuité des effets militaires dépend d’acteurs multiples, un pilotage exclusivement centralisé atteint ses limites. Les travaux de la politologue américaine et prix Nobel d’économie Elinor Ostrom (Governing the Commons, 1990) offrent un cadre pour penser des gouvernances polycentriques, capables de gérer des ressources partagées sans diluer l’autorité.
L’Intelligence artificielle (IA) est au cœur de cette recomposition. Elle ne se limite pas à exploiter les données : elle rend possible la constellation elle-même, en orchestrant les liaisons inter-satellites et en optimisant les ressources orbitales. Sans ces capacités, les satellites resteraient isolés. Cette articulation entre architecture technique et organisationnelle soulève des questions de confiance et d’acceptabilité. En somme, la centralité des constellations, leur dépendance à l’IA et la densité des interdépendances posent une question organisationnelle : comment associer la solidité du commandement à des mécanismes plus souples de coordination ? C’est cette tension, et les configurations hybrides qu’elle appelle, que cet article propose d’explorer.
Il reste 87 % de l'article à lire
Plan de l'article