L’Ukraine a trouvé opportun de s’investir en Afrique dans le conflit malien pour déstabiliser la Russie, soutien de la junte malienne. Malgré des débuts difficiles par manque de compréhension mutuelle, la bataille de Tinzaouaten, en juillet 2024, a marqué un tournant avec la défaite des troupes maliennes soutenues par les Russes.
Le front africain de la guerre russo-ukrainienne
Comment la bataille de Tinzaouaten a changé le conflit malien et l’engagement ukrainien en Afrique
The African Front of the Russia-Ukraine War
How the battle of Tinzaouaten changed the conflict in Mali and Ukrainian Commitment to Africa
Ukraine considered it appropriate to become involved in the Malian conflict in order to destabilise Russia, which was supporting the Malian junta. Despite a difficult start as a result of lack of mutual understanding, the battle of Tinzaouaten in July 2024 was a turning point, with the defeat of Russian-supported Malian troops.
Depuis que la Russie a entamé son invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022, le gouvernement ukrainien a cherché à obtenir un soutien international dans sa lutte contre la Russie, notamment auprès des pays du « Sud global ». Afin d’obtenir le soutien des pays africains, le gouvernement ukrainien a investi davantage dans ses efforts diplomatiques bilatéraux, tout en travaillant avec de nombreuses institutions. Cependant, à la surprise des Ukrainiens, l’impact de ces efforts entre 2022 et 2024 demeurait limité notamment en raison des liens existants entre les gouvernements africains et la Russie. Et bien qu’empathique à la cause ukrainienne, l’appui que reçoit l’Ukraine a éveillé un certain ressentiment motivé par ce que les gouvernements africains interprètent avec raison comme une autre application du double standard occidental en matière de sécurité.
L’opportunisme de l’Ukraine et des mouvements touaregs autour de la bataille de Tinzaouaten (du 25 au 27 juillet 2024) a brisé ce schéma et créé de nouvelles opportunités pour l’Ukraine en Afrique. En déclarant son soutien aux Touaregs et en laissant entendre qu’il avait peut-être joué un rôle dans leur succès dans la bataille, le gouvernement ukrainien a simultanément amplifié la défaite russe, porté atteinte à la crédibilité militaire de la Russie et s’est créé un réseau d’alliés africains, qui ont eux-mêmes profité de la situation pour transformer les dynamiques de leurs conflits locaux. Grâce à ce soutien, le message ukrainien en Afrique est devenu plus efficace pour contrer la propagande russe dans la région. Cet article suggère qu’en s’alignant avec des groupes d’opposition, et en adoptant une stratégie de communication plus opportuniste, l’Ukraine s’est donné des outils pour nuire à la Russie au Sahel et ailleurs en Afrique. De plus, ce même opportunisme affiché par les mouvements touaregs a changé le conflit au Sahel et pourrait changer les tactiques de guerre par procuration.
Cliché et diplomaties : l’échec initial de l’approche ukrainienne en Afrique
Dans sa politique africaine, le gouvernement ukrainien s’était fixé cinq objectifs : décrocher des appuis au sein des organisations internationales ; obtenir des appuis financiers et militaires ; réduire les appuis politiques russes et nuire à leur chaîne d’approvisionnement ; et contrer l’influence de la Russie en Afrique. Cependant, les difficultés rencontrées par l’Ukraine pour obtenir le soutien des États africains découlent d’une approche marquée par une ignorance et une incompréhension des dynamiques politiques comme de l’histoire du continent. Ceux-ci sont incarnés par le cadre narratif « donateur/bénéficiaire/développement » et exemplifié par l’éditorial du chef de cabinet du président ukrainien, Andriy Yermak, dans Le Monde du 13 décembre 2022 (1).
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