Les vues exprimées ici sont personnelles et n’engagent pas la Banque européenne pour la reconstruction et le développement où travaille l’auteur.

« L’argent est le nerf de la guerre », disait Catherine de Médicis. De ce point de vue, la redistribution des cartes sur la place financière moscovite est riche d’indications pour l’analyste stratégique. Le 11 mars 2011, la banque d’investissement privée Troika Dialog était rachetée pour 1 milliard de dollars par la banque publique Sberbank, propriété de la Banque centrale de Russie. Bien au-delà de la simple opération financière, c’est là en réalité un révélateur du retour de l’État russe et des transformations en cours dans l’économie nationale.

Rachat emblématique

Troika Dialog était considérée à la fois comme le fleuron de la finance russe et le symbole d’une époque. Fondée en 1991 par l’entrepreneur d’origine arménienne Ruben Vardanian, la société était devenue la première banque d’investissement du pays, gérant près de 6 milliards de dollars d’actifs grâce à des investissements variés dans l’automobile (associé à Renault dans Avtovaz, le constructeur des voitures Lada), l’aéronautique (Transaero), l’énergie (Novatek) ou encore l’assurance (Rosgostrakh). Le tout construit à partir de rien et sans bénéficier des privatisations postsoviétiques. À l’inverse, Sberbank est, avec VTB Bank, Vnechekonombank (VEB) et Gazprom Bank une des grandes banques publiques russes, communément appelées les Gosbank, pour Gosudarstvennyi Bank ⁽¹⁾. Dirigée par German Gref, ancien ministre du Développement économique et du Commerce de 2000 à 2007, Sberbank était déjà la première banque commerciale du pays mais, au contraire de VTB, ne disposait pas encore de branche d’investissement. L’opération lui permet ainsi de se diversifier dans les services financiers de marché de capitaux, de gestion d’actifs et d’investissements. En ce sens, la démarche est comparable au rachat par BNP de la banque d’investissement Paribas en 2000 et témoigne de l’adoption par les Gosbank du modèle de banque universelle ⁽²⁾.