Observations de la Cour des comptes sur l’organisation budgétaire de la mission « Défense »
Le 13 mars 2025, la Cour des comptes, juridiction de l’administration française chargée principalement de contrôler la régularité des comptes de l’administration, publie une enquête de 112 pages divisée en 4 parties concernant l’architecture budgétaire de la mission « Défense ».
La mission « Défense » a été mise en place en 2006 et l’organisation budgétaire de cette dernière par le ministère des Armées perdure depuis sa création. Les responsabilités sont réparties entre trois grands subordonnés du ministre : le soutien des forces qui relève du Secrétaire général pour l’administration (SGA), leur équipement qui relève du Délégué général pour l’armement (DGA) et du chef d’état-major des Armées (Cema), et la préparation et l’emploi des forces qui relèvent du Cema. L’intérêt de la Cour des comptes avec cette enquête excluant un contrôle des processus et acteurs liés à l’exécution de la dépense, est alors de fournir à l’Assemblée nationale et au Sénat une étude claire et sincère sur les rouages de cette organisation budgétaire. Leur volonté est de permettre un pilotage propice des crédits de programmation, de budgétisation et d’exécution. Il s’agit alors de relever les incohérences ou difficultés organisationnelles perturbant la soutenabilité du budget de la mission Défense et de proposer des « recommandations » aux parties en charge du budget de la mission Défense.
La Cour des comptes relate d’abord qu’il y a une forte augmentation du budget de la mission Défense, en 2013 il représente 73 % des dépenses d’investissement du budget de l’État. Dès lors, la Cour se montre inquiète et critique quant au volume des restes à payer. Les restes à payer étant les paiements à venir par des engagements déjà réalisés (notamment à travers les lois de programmation militaires pluriannuelles-LPM), ont crû de 86 % entre 2017 et 2023, et de 51 % pour la seule période 2020-2023. La nécessité du contexte géopolitique – donc l’augmentation du budget de l’Otan – a entraîné cette augmentation des restes à payer pour la mission Défense et constitue alors pour la Cour une inquiétude majeure car cela signifie d’investir déjà pour des ressources futures. De plus, la Cour des comptes met en avant que la LPM 2024-2030 et ses surcoûts (augmentation du point d’indice en cours d’exercice, etc.) risquent de grever à l’avenir les priorités opérationnelles faute de crédits disponibles. Le niveau d’engagement du ministère des Armées inquiète donc la Cour car cela entraîne une rigidité dans la gestion des crédits de paiement du ministère. La Cour des comptes a également critiqué le fait que les 4 programmes constituant la mission « Défense » « s’écartent parfois des principes de la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances) ». Le programme 212 (soutien de la politique défense) est critiqué comme n’ayant pas de budget assez lisible et que les Responsables de budget opérationnel de programme (RBOP) n’ont pas assez de responsabilités. Le programme 146 (équipement des forces) a une organisation trop centralisée et les crédits trop massifiés offrant un suivi difficile pour le Responsable de la fonction financière ministérielle (RFFIM). Le 178, lui, concernant la préparation et emploi des forces voit ses crédits trop éparpillés et une organisation matricielle rigide. Enfin, le programme 144 (environnement et prospective de la politique de défense) est peu structuré et avec des politiques publiques hétérogènes.
La cour recommande compte tenu des difficultés énoncées précédemment d’alléger et limiter dans le temps le processus d’ajustement de la LPM, aussi de hiérarchiser les enjeux en décidant notamment ce qui est urgent ou stratégique, utiliser des outils numériques adaptés, modernes pour faciliter la communication et gagner du temps.
En somme, les observations de la Cour des comptes ciblent les difficultés majeures dans l’organisation budgétaire de la mission Défense. L’objectif de cette enquête est d’aider le ministère des Armées à obtenir une meilleure organisation budgétaire et de mieux faire coïncider les cycles militaires afin d’assurer qu’ils soient intégrés à temps et de manière fluide dans la grande procédure budgétaire de l’État. ♦
Publié le 14 mai 2025
Ferdinand Loubeyre