
Dans L’Honorable correspondant, paru aux éditions Nouveau Monde en juin 2025, Ivan Sand propose un thriller documenté et précis dans les coulisses du renseignement. Ancien officier de l’armée de l’Air et diplômé en géopolitique, l’auteur propose ici un roman où l’intrigue, très contemporaine, s’articule autour de la figure d’un « honorable correspondant », informateur non-officiel qui sert de relais aux services de renseignement français à l’étranger.
Le personnage principal, Benjamin Curiel, est un ancien militaire reconverti dans le privé, installé à Tel-Aviv. Après un premier avis défavorable à sa candidature à la DGSE, il finit par être approché pour une mission moins officielle, mais tout aussi exigeante. Dans cet environnement mêlant intérêts étatiques, ambitions personnelles et jeux d’influence internationaux, Ivan Sand donne à voir les multiples facettes d’un monde souvent fantasmé mais rarement raconté. Le roman ne cherche pas à multiplier les rebondissements ou les scènes d’action spectaculaires. Au contraire, il mise sur la sobriété et la vraisemblance. Plus qu’un thriller, l’ouvrage constitue une porte d’entrée dans le domaine du renseignement, où chaque geste compte, où chaque mot a du sens. Curiel n’est ni un héros, ni un anti-héros ; il est un homme, parfois dépassé par les enjeux qui le traversent et déterminé à comprendre les raisons pour lesquelles il s’est vu refuser l’entrée à la DGSE. Cette humanité, y compris les obstacles familiaux auxquels il fait face, rend le personnage crédible et, d’une certaine manière, attachant.
Le choix d’Israël comme cadre principal n’est pas anodin. Le pays incarne une forme de modernité du renseignement, où se croisent innovations technologiques, logiques sécuritaires et espionnage. Le roman permet ainsi de réfléchir à des questions centrales de notre époque : quelle est la place du privé dans les affaires de renseignement ? Comment les États gèrent-ils leurs sources dans des environnements où ils ne maîtrisent pas toutes les facettes ? Quelles sont les lignes rouges, mais aussi les zones grises, d’un métier dont l’essence est de rester dans l’ombre ?
L’Honorable correspondant remplit aussi une autre fonction : il offre des clés de compréhension sur le fonctionnement des services secrets, sur les relations ambiguës qu’entretiennent alliés et concurrents ainsi que sur le rôle de la technologie dans la collecte de l’information. L’écriture est claire et rigoureuse, elle se lit avec aisance, même pour un lecteur peu familier du monde du renseignement. Ce roman s’inscrit dans une tendance nouvelle de la littérature française qui adopte un regard lucide sur les questions de défense, de sécurité et de diplomatie. En cela, L’Honorable correspondant est un livre utile à la fois pour comprendre comment les relations internationales se nouent parfois hors des réseaux officiels et pour rappeler que derrière chaque opération de renseignement se cachent des hommes et des femmes dont les choix entraînent des conséquences bien réelles.
L’univers narratif de L’Honorable correspondant se définit par la retenue et la sobriété utilisées par Ivan Sand. Il ne cherche pas à impressionner ni à produire une image manichéenne entre l’espion et l’espionné. Au contraire, il mise sur la gradation, la complexité et l’équilibre. Loin des clichés hollywoodiens, le monde du renseignement est ici présenté pour ce qu’il est réellement : un espace d’ambiguïtés, où les informations circulent lentement, où les intentions sont difficiles à lire, et où la vérité n’est jamais donnée telle quelle. L’auteur restitue avec précision ces dynamiques, sans tomber dans l’explication lourde ou trop démonstrative. Il préfère suggérer, laisser au lecteur la place de comprendre, d’interpréter, parfois même de douter. Ce flou paraît même être une traduction fidèle du fonctionnement réel des opérations de renseignement. ♦