Le rapport des forces à l’étendue des fronts
Il y a quelque trente ans, Thomas E. Lawrence — plus connu sous le nom de « Lawrence of Arabia » — me pressait d’étudier le rapport des forces à l’étendue des fronts de guerre, problème qu’il considérait comme étant d’une importance fondamentale parce qu’il contenait la clé de nombreuses énigmes de l’histoire militaire. Je n’ai jamais eu le temps d’explorer pleinement le sujet, mais j’ai été maintes fois impressionné au cours de mes recherches par son incidence sur les perspectives de l’attaque et de la défense.
J’ai été amené récemment, à l’occasion d’un autre travail, à inventorier et à analyser les faits se rapportant à cette question essentielle mise en évidence au cours des cent cinquante dernières années et plus particulièrement pendant les deux guerres mondiales. Deux autres éléments sont apparus lors de mon analyse initiale : l’importance cruciale du facteur temps en relation avec le rapport des forces à l’étendue du front tenu par ces forces, et l’importance du rapport entre les réserves mobiles et les forces en ligne.
Depuis au moins un siècle et demi, les effectifs nécessaires pour tenir avec sûreté un front d’une longueur donnée ont rapidement décru. En d’autres termes, la défense a manifesté une supériorité matérielle croissante sur l’attaque. La mécanisation n’a apporté en soi aucun changement radical à cette tendance fondamentale. L’étude des grandes armées depuis 1800 permet de tirer les premières conclusions générales. À l’époque des guerres napoléoniennes, un effectif d’environ 12 000 hommes au kilomètre, y compris les réserves, était classique pour tenir une position défensive. C’était cette proportion qui fut appliquée sur le front de cinq kilomètres défendu par Wellington à Waterloo. Deux jours plus tôt, Blücher avait essayé de tenir à Ligny un front de onze kilomètres avec 8 000 hommes au kilomètre ; il avait été défait par des forces légèrement inférieures.
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