Politique et diplomatie - La Chine et les crises d’octobre
L’un des problèmes de méthode que pose l’analyse historique et l’interprétation logique d’un ensemble d’événements suffisamment reliés entre eux pour qu’on puisse les considérer comme formant une question, une affaire, une crise, consiste à en délimiter le cadre.
Ainsi, si nous nous efforçons, comme j’en exprimais le vœu dans mon article du mois passé, d’analyser les divers moments de la crise cubaine, d’y suivre le jeu des partenaires en essayant de découvrir les buts que chacun des joueurs s’était probablement fixés et le plan de jeu, c’est-à-dire la stratégie, qu’il avait choisi pour les atteindre, nous nous heurtons à cette difficulté préalable : comment délimiter la partie ? Cette question des limites de l’échiquier où l’analyste, qui par nécessité procède par abstraction et par simplification, va plus ou moins heureusement isoler les événements qu’il veut interpréter se pose sur deux plans : a) celui de la succession dans le temps, b) celui de la simultanéité dans l’espace. Pour être plus concret et pour raisonner sur la crise cubaine, la question se pose de savoir à partir de quand il est nécessaire de prendre la série des événements qui ont abouti à la confrontation directe du mois d’octobre entre les deux Grands, en sorte que l’on dispose de tous les éléments propres à éclairer le déroulement de cette confrontation : de la même manière, on doit se demander si des séries d’événements qui se déroulèrent simultanément avec la crise cubaine ont leur place parmi les éléments de cette crise. La simultanéité de deux séries d’événements méritant qu’on les considère comme deux « affaires », ne signifie pas évidemment qu’ils soient reliés. Néanmoins l’hypothèse d’une corrélation plus ou moins étroite entre les deux séries est vraisemblable. Ainsi, peut-on penser que le dénouement de l’affaire de Suez dans l’automne 1956 a été influencé par le déroulement de l’affaire hongroise : et réciproquement, peut-être que l’échec de la révolution hongroise est dû en quelque mesure au déroulement de l’affaire de Suez.
En ce qui concerne la crise cubaine, on ne peut qu’être frappé par la simultanéité, voire le parallélisme de son déroulement, avec le développement de l’action chinoise contre le territoire indien. Cela, répétons-le, ne signifie pas nécessairement qu’il doive y avoir entre les deux « affaires » une relation de causalité dans un sens ou dans l’autre, mais cela veut dire, au moins, que la réflexion sur les faits doit tenir compte de la possibilité d’une telle relation.
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