Politique et diplomatie - La reconnaissance de la République populaire de Chine
Ainsi la France a reconnu la République populaire de Chine. Deux communiqués publiés simultanément le 27 janvier à Pékin et à Paris ont rendu officielle cette décision à laquelle on s’attendait depuis quelques semaines. La décision française est importante, elle mérite d’être expliquée et commentée, quant au fond d’une part, quant à la forme et quant au choix du moment d’autre part.
Le bien-fondé de la décision est peu contestable et à dire vrai peu contesté. Dès lors qu’un État entend exercer ses prérogatives en matière extérieure — et il lui est bien difficile de renoncer à le faire — il lui faut avoir des contacts avec l’ensemble des États dont le monde est fait, à la condition que ces États exercent authentiquement leur souveraineté. Et s’il est indispensable d’avoir des contacts avec les États qui jouent un rôle dans la société internationale, il est normal que ces contacts prennent la forme des relations diplomatiques. De telles relations n’impliquent en rien une connivence morale entre ceux qui les établissent. Ils témoignent tout au plus d’un désir réciproque que les contacts inévitables entre États se fassent dans les formes définies par la coutume juridique internationale. Si l’on demande alors pourquoi il a semblé utile à Paris et non seulement à Pékin que les contacts franco-chinois prennent désormais un caractère officiel et non plus seulement privé, on retiendra que des conversations privées peuvent tout au plus préparer la réalisation d’accords commerciaux ou culturels ; mais cette préparation doit être couronnée par des décisions politiques ; et, a fortiori, la discussion des problèmes politiques ne peut-elle être engagée que par des contacts officiels. Or, la France, je l’ai déjà écrit ici même, conserve en Asie du Sud-Est des intérêts matériels et moraux importants. Et on peut penser qu’ils ne sauraient être sauvegardés que dans le cadre d’une solution régionale qui suppose un minimum d’accord politique avec la Chine. La première condition pour réaliser un tel accord, à supposer qu’il soit possible, est bien évidemment de reconnaître l’existence du partenaire chinois qui, tôt ou tard, reprendra la place qui lui revient dans les assises internationales.
Les raisons qui ont motivé la décision française peuvent être encore exposées de la manière suivante : d’abord le gouvernement de Pékin exerce en fait, depuis 15 ans, son autorité sur l’ensemble de la Chine continentale. Que cela plaise ou non, il est dans l’ordre interne l’expression juridique de la nation chinoise et rien ne permet de penser que cette situation puisse être modifiée dans un avenir prévisible. En matière extérieure, le gouvernement de Pékin exerce sa souveraineté dans le sens d’une autonomie croissante. Sans doute la Chine n’a-t-elle jamais été un satellite de l’Union soviétique, mais depuis quelques années la République populaire de Chine pratique une politique résolument indépendante et prend en matière internationale des positions diamétralement divergentes de celles que prend l’U.R.S.S. En d’autres termes, tant en matière externe qu’en matière interne, le gouvernement de Pékin répond aux conditions que l’on est en droit d’exiger d’un État. Le fait qu’en matière de politique intérieure ou de politique extérieure, le régime de Mao Tsé-toung agisse d’une manière qui ne nous plaît pas ne modifie en rien les données du problème juridique que la décision française vient de trancher.
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