Outre-mer - Organisation de l'unité africaine : la Conférence d'Accra - Guinée : rupture des relations avec Paris
La 3e conférence des chefs d’État de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) s’est tenue à Accra au mois d’octobre. L’atmosphère et les conditions étaient bien différentes des deux premiers sommets. En mai 1963, à Addis-Abeba, c’était l’euphorie de la décolonisation et l’enthousiasme pour l’union afin de mieux affirmer la place de l’Afrique dans le monde. À la deuxième réunion, au Caire, en juillet 1964, l’OUA s’était donné une organisation et avait discuté d’un grand projet de gouvernement africain présenté par le président du Ghana, M. Nkrumah. Le ton était alors donné par les chefs de l’aile marchante du nationalisme africain, MM. Nasser [NDLR 2025 : Égypte], Ben Bella [Algérie], Nkrumah, Sekou Touré (Guinée). La troisième conférence, celle d’Accra, a bien failli ne pas pouvoir se réunir faute de quorum. Les autorités algériennes pensaient que la proximité des dates retenues pour la conférence de l’OUA et pour la conférence afro-asiatique d’Alger était de nature à nuire à la réussite de la seconde réunion, dont on sait d’ailleurs qu’elle n’a finalement pas eu lieu. Les chefs des États de l’Entente [Dahomey (actuel Bénin), Haute-Volta (actuel Burkina Faso), Côte d’Ivoire et Niger], de leur côté, estimant, à juste titre semble-t-il, que M. Nkrumah n’avait pas tenu les promesses faites lors de la conférence de Lagos d’expulser les réfugiés politiques se trouvant au Ghana, refusaient de se rendre à Accra. Cependant, les Présidents Houphouët-Boigny [Côte d’Ivoire], Diori Hamani [Niger] et Yaméogo [Haute-Volta], pour ne pas porter la responsabilité d’un éclatement de l’OUA, avaient accepté de rencontrer M. Nkrumah à Bamako. Cette réunion, en dépit de la signature d’un communiqué semblant approuver les thèses des États de l’Entente, tourna court et les États modérés d’Afrique francophone s’abstinrent de participer à la Conférence d’Accra.
Celle-ci débuta le 14 octobre 1965 par la session du Conseil des ministres en présence de vingt-sept délégations sur trente-six pays membres de l’organisation. Neuf pays africains francophones n’étaient pas représentés : Côte d’Ivoire, Dahomey, Togo, Haute-Volta, Niger, République centrafricaine, Tchad, Gabon et Madagascar. Un dixième, le Sénégal, était représenté par M. Doudou Thiam, ministre des Affaires étrangères, chargé par le Président Senghor de vérifier si le quorum nécessaire à l’ouverture de la conférence était réellement atteint. Aucun document probant ne lui ayant été soumis, M. Doudou Thiam se retira, mais revint par la suite lorsque lui furent fournies les précisions demandées. Un projet d’ordre du jour avait été soumis par le secrétaire général, M. Diallo Telli, comportant notamment : l’affaire congolaise, le différend frontalier algéro-marocain, la question du Viet-Nam, les problèmes posés par la décolonisation, la politique d’apartheid en Afrique du Sud, les « atrocités portugaises », l’examen des méthodes et moyens pour combler le vide entre les pays développés et les pays qui se développent, la question d’une équitable représentation des pays africains aux Nations Unies, le désarmement, le gouvernement continental africain, la défense mutuelle, etc. Sur proposition de M. Bamali, chef de la délégation du Nigeria, M. Kojo Botsio, ancien ministre ghanéen des Affaires étrangères, fut élu, par acclamations, comme nouveau Président du conseil des ministres. Après l’ouverture solennelle des travaux et les discours d’usage, les délégués ont siégé à huis clos.
La conférence au sommet s’est ouverte le 21 octobre en présence d’une partie seulement des présidents invités : les représentants de l’Afrique francophone notamment y étaient particulièrement peu nombreux. En effet, à l’issue de leur réunion à Ouagadougou, les dirigeants de l’Entente auxquels s’était joint le Président du Togo, M. Grunitzky, avaient publié un communiqué commun précisant qu’ils ne participeraient pas à la conférence et ne s’y feraient pas représenter. Ils estiment que le Président Nkrumah n’a pas tenu ses engagements et que de nombreux éléments subversifs se trouvent encore au Ghana, « plus particulièrement ceux du Niger qui, envoyés par le Ghana à Pékin pour y être entraînés, se sont regroupés à leur retour sur le sol ghanéen où ils ont encadré dans des camps spéciaux des ressortissants nigériens en vue de l’attaque armée contre le Niger. Seuls, en effet, n’ont été expulsés du Ghana que les principaux chefs de rébellion, à savoir trois ressortissants ivoiriens et un nigérien. Ces chefs ont laissé non seulement leur famille au Ghana, mais également leurs troupes entraînées avec la certitude de leur retour une fois la conférence terminée. » Tout en déplorant de ne pouvoir se rendre à Accra pour des raisons de sécurité, les chefs d’État de l’Entente affirment leur volonté de contribuer à l’unité africaine et « proposent que les réunions des chefs d’État et de Gouvernement se tiennent désormais exclusivement au siège du secrétariat général de l’OUA, à Addis-Abeba où la sécurité et la dignité de chacun seront également assurées et respectées ». Répondant aux questions des journalistes, le Président Houphouët-Boigny a précisé que les États de l’Entente examineraient toutes les décisions prises à Accra surtout à propos du problème du « gouvernement continental africain ». Sur ce point il s’est déclaré hostile à toute initiative prématurée. Il a constaté que d’autres Présidents (MM. Tsiranana [Madagascar], Dacko [RCA], Mba [Gabon] et Tombalbaye [Tchad]) ne se rendaient pas non plus à Accra et qu’en conséquence on ne pouvait pas accuser les États de l’Entente de vouloir boycotter cette réunion. Le Président Houphouët-Boigny a d’autre part annoncé un premier pas important dans la réalisation progressive de l’unité africaine : « le premier jour de l’an 1966 ne se lèvera pas sans que nous n’ayons pris la décision capitale de la double nationalité qui fera de nos pays de l’Entente un ensemble que nous pouvons considérer comme un pays unique avec plusieurs capitales ». Enfin M. Senghor, président du Sénégal, renonçant à se rendre à Accra, y a cependant délégué son ministre des Affaires étrangères, M. Doudou Thiam.
Il reste 64 % de l'article à lire
Plan de l'article





