Depuis le retentissant voyage en République Arabe Unie, voici deux ans, de M. Nikita Khrouchtchev, les relations égypto-soviétiques constituent un des notables centres d’intérêt du monde occidental. Avec M. Khrouchtchev et le Raïs, il s’agissait en effet, dans des styles d’ailleurs très différents, de deux personnages hors série, également habiles à rendre significatives leurs attitudes et leurs paroles et à pourvoir les commentateurs de formules et de symboles propices aux exégèses.

Cependant, cette rencontre remarquable venait seulement neuf ans après l’événement véritablement décisif pour les rapports soviéto-arabes, c’est-à-dire la livraison des armes soviétiques aux pays arabes d’Orient, en septembre 1955. Depuis cette date, les observateurs attentifs à l’évolution du Proche-Orient savaient qu’était intervenu un événement nouveau, promis aux répercussions les plus importantes et les plus durables. La construction du Haut Barrage d’Assouan, parfaite illustration de l’appui soviétique, ne faisait que s’inscrire dans cette série, M. Khrouchtchev se bornait, en somme, à apporter une confirmation, sous une forme propre à séduire les imaginations orientales. Ce curieux homme une fois éclipsé, rien ne devait être fondamentalement changé.

Néanmoins, nos contemporains attachent tant de sens désormais à la « politique personnelle » que l’apparition au Caire du nouveau maître du Kremlin, M. Alexis Kossyguine, était attendue avec une très vive curiosité. Cependant l’on savait qu’il ne fallait escompter aucune démonstration éclatante, et l’on s’attendait bien à ce que les éventuelles nuances d’attitude demeurassent estompées dans l’ombre des huis clos. Le bilan de l’entrevue reste, en effet, moins précis et surtout moins coloré ; il n’est pourtant pas sans intérêt de l’examiner, surtout si l’on prend soin de le replacer dans les perspectives générales de la politique arabe unie et des attitudes du Tiers Monde.