Politique et diplomatie - Bonn-Washington et Bonn-Moscou
Pour la première fois depuis sa constitution en 1949, la République fédérale connaît une crise politique sérieuse. Le 27 octobre, les quatre ministres du Parti libéral (F.D.P.) qui avaient rejoint les Chrétiens-Démocrates (C.D.U.) dans l’équipe gouvernementale formée sous la houlette de M. Erhard ont donné leur démission. L’occasion leur en fut fournie par la discussion du budget. Le « miracle », dont le mérite fut attribué à M. Erhard qui a fait de la République fédérale la troisième puissance industrielle du monde après les États-Unis et l’U.R.S.S., n’empêche pas que des difficultés financières et des problèmes d’équilibre budgétaire commencent à préoccuper sérieusement les responsables de l’économie allemande. Mais des raisons plus profondes ont motivé la décision des Libéraux. Parti d’appoint, il est normal qu’il soit particulièrement attentif aux fluctuations du corps électoral. Or, on a pu reconnaître, à divers signes, un ébranlement du système statique dans lequel semblait s’être figée la vie politique allemande. Cet ébranlement s’explique par diverses causes.
D’abord, plus de vingt ans après la défaite, de nouvelles générations participent à la vie politique, qui n’ont connu ni le régime national-socialiste, ni la guerre, ni la défaite. Ces nouvelles couches de citoyens allemands se posent des questions et exigent des réponses dont ne s’inquiétaient pas leurs aînés. Ce que ceux-ci demandaient, somme toute, c’était qu’on leur permit de reconstruire leur Allemagne, d’en faire par leur travail une grande puissance industrielle et commerciale et de regagner dans le monde le respect et les amitiés que le régime hitlérien et la guerre avaient ruinés. Obsédée aussi par la crainte de l’Union soviétique, la génération de l’après-guerre subordonnait la politique à la recherche de la sécurité. Or, la situation internationale a changé, et l’opinion en est consciente, en Allemagne occidentale comme ailleurs. D’abord, la crainte obsessionnelle de l’Union soviétique tend à s’affaiblir dans le climat de la détente. Le public allemand ne croit plus sérieusement que l’Union soviétique décide un jour de lancer ses divisions ou ses engins nucléaires sur le territoire de l’Allemagne. À l’assaut de quoi ? En second lieu, l’attitude adoptée par la France en politique extérieure a éveillé outre-Rhin des échos et mis en question certains tabous. Enfin, la politique de Washington, hors d’Europe et en Europe, a eu pour effet de créer ou d’accentuer un malaise dont la démission des ministres libéraux n’est que l’une des manifestations.
Mon propos n’est pas ici d’exposer pour elle-même et dans sa généralité la politique extérieure du gouvernement fédéral dans la conjoncture actuelle. Je remarque seulement que les difficultés rencontrées par le Chancelier étaient probablement inévitables, compte tenu de la simple évolution démographique. Je ne traiterai dans cet article que de deux arguments qu’on peut désigner l’un comme l’argument de « l’axe Bonn-Washington », l’autre comme l’argument d’un « nouveau Rapallo ».
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