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  • Revue n° 338 Novembre 1974
  • Défense en France - Les nouveaux missiles stratégiques S3 et M20 - M. Jacques Soufflet, ministre des Armées, à l'ouverture de la XIe Session du Centre des hautes études de l'armement - M. Jacques Chirac, Premier ministre, à l'ouverture de la XVIIe Session de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) - Conférence de presse de M. Jacques Soufflet : présentation du budget de la défense en 1975

Défense en France - Les nouveaux missiles stratégiques S3 et M20 - M. Jacques Soufflet, ministre des Armées, à l'ouverture de la XIe Session du Centre des hautes études de l'armement - M. Jacques Chirac, Premier ministre, à l'ouverture de la XVIIe Session de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) - Conférence de presse de M. Jacques Soufflet : présentation du budget de la défense en 1975

Gérard Vaillant, « Défense en France - Les nouveaux missiles stratégiques S3 et M20 - M. Jacques Soufflet, ministre des Armées, à l'ouverture de la XIe Session du Centre des hautes études de l'armement - M. Jacques Chirac, Premier ministre, à l'ouverture de la XVIIe Session de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) - Conférence de presse de M. Jacques Soufflet : présentation du budget de la défense en 1975  » Revue n° 338 Novembre 1974 - p. 145-154

Les nouveaux missiles stratégiques S-3 et M.20

Deux nouveaux missiles entreront prochainement en service : le missile Sol-sol balistique stratégique (SSBS) S-3 et le Missile mer-sol balistique stratégique (MSBS) M.20.

Le nouveau système S-3 se concrétise par la création d’une nouvelle unité de 9 silos, en Haute-Provence, qui devra être opérationnelle à la fin de la décennie actuelle. Le programme comprend également la transformation, par la suite, des deux unités existantes. Ceci portera le nombre de missiles SSBS déployés à 27.

Les équipements des silos sont modernisés et simplifiés dans le but d’accroître la fiabilité et la disponibilité du système, et de réduire le coût de sa maintenance.

Le nouveau missile a deux étages et une coiffe : il aura des performances sensiblement améliorées (portée de plus de 3 000 km, pénétration et puissance). La partie haute du S-3, comme dans le missile marin MSBS version M.20, a une définition bien plus évoluée que celle des têtes nucléaires des missiles M.2 et S-2. Dans cette partie du missile se situent les éléments principaux relatifs aux systèmes de rentrée et de pénétration, à savoir :

– un véhicule de rentrée à charge thermonucléaire mégatonnique,
– des équipements nouveaux améliorant le durcissement (c’est-à-dire la protection contre le système antimissiles) et donnant au missile une capacité accrue de pénétration.

La coiffe constitue l’enveloppe de la partie haute qu’elle protège pendant le lancement et la phase propulsée.

La Direction technique des engins de la DMA est responsable du programme, dont la maîtrise d’œuvre industrielle est confiée à la Société nationale industrielle aérospatiale (Snias) : l’Armée de l’air collabore étroitement au développement, comme la Marine pour le M.20.

Le fait de confier la maîtrise d’œuvre industrielle des deux systèmes d’arme, terrestre et naval, à une seule firme, et de les développer de façon quasi concomitante, a permis à chacun des systèmes de profiter de l’expérience acquise au moyen de l’autre. Il en résulte une meilleure garantie de fonctionnement, un gain de temps et une économie certaine.

Les missiles S-3 et M.20 utilisent le même deuxième étage et ont sensiblement la même « partie haute ». De nombreux moyens de production sont communs aux deux programmes et il en est de même de certains moyens d’essais.

Le missile MSBS M.20 qui va entrer en service sur le Sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) l’Indomptable, lancé à Cherbourg le 17 septembre 1974, correspond à un nouvel accroissement de la composante navale du système français de dissuasion. Ce missile, à charge thermonucléaire, doit ultérieurement équiper tous les SNLE.

Après l’admission au service actif en 1971 du Redoutable équipé de missiles M.1, du Terrible début 1973 et du Foudroyant en 1974, l’arrivée successive des sous-marins lanceurs, ainsi que la périodicité de leurs grands carénages permettent une évolution du missile pour en améliorer les performances et les qualités opérationnelles. Le système M.2 de portée accrue (plus de 3 000 km) est en cours de production. Il diffère essentiellement du système M.1 par le deuxième étage, de plus forte capacité, commun avec le SSBS S-3.

Le missile M.20 entrera en service sur l’Indomptable à partir de 1976. Les autres SNLE recevront, à partir de 1977, des missiles M.20 au cours des opérations de grand carénage. Le missile M.20 comportant de nombreux équipements communs avec le missile futur SSBS S-3, la maintenance des deux systèmes en sera facilitée.

M. Jacques Soufflet à l’ouverture de la XIe session du Centre des hautes études de l’armement (Chear) : « L’Armée française sera dotée de MIRV au cours de la prochaine décennie ».

Le Centre des hautes études de l’armement (Chear), qui est installé à l’École militaire, a pour fonction de rassembler pour une année d’études une quarantaine d’auditeurs comprenant des cadres d’entreprises industrielles, commerciales ou bancaires, des officiers, des fonctionnaires et des ingénieurs de l’Armement, appelés à réfléchir sur les problèmes de notre industrie des armements.

Le Chear, qui est dirigé par l’ingénieur général de 1re classe de l’armement Pommaret, dépend directement du Délégué ministériel de l’armement (DMA). Il a maintenant 10 ans d’expérience. Sa 11e session a été ouverte solennellement par M. Jacques Soufflet le 3 octobre 1974.

Après un très remarquable exposé de M. André Giraud, administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) sur « La capacité nucléaire de la France », sujet qui doit précisément servir de thème central aux études du Chear cette année, le ministre de la Défense a prononcé l’allocution suivante :

« …La redistribution mondiale des cartes à laquelle nous assistons, puisque de nouvelles puissances financières se créent dans les pays propriétaires des gisements de pétrole, doit être considérée comme le seul et véritable défi lancé aujourd’hui aux pays européens…

La réponse de l’Europe au défi pétrolier doit être fondée sur sa supériorité technologique. Le recours à l’énergie nucléaire permet précisément de donner une puissance non à ceux qui possèdent les gisements mais à ceux qui ont les connaissances nécessaires pour les transformer. La puissance nucléaire de la France repose sur sa capacité intellectuelle. C’est une première évidence, qui nous pousse au pari nucléaire. M. Giraud a tout à l’heure souligné que pour ce type d’énergie le « gisement intellectuel » serait dorénavant aussi important que les gisements de matières premières. À vrai dire c’est dans ce gisement que réside la richesse de la France.

Partis les premiers dans cette course en 1939, nous nous sommes trouvés largement distancés après la guerre et il nous a fallu, pratiquement seuls, sans aides ni conseils, nous donner une compétence nucléaire. Ce but qui a été en grande partie atteint avec nos armements, nos centrales électriques, la propulsion de nos navires, a démontré la capacité de nos savants, de nos ingénieurs et de nos chercheurs – et je tiens à leur rendre hommage publiquement. Plus que jamais nous devons miser sur ces possibilités intellectuelles et sur la valeur du système de formation, qui nous donne de tels hommes. La qualité de nos universités et de nos écoles d’ingénieurs nous permet de surcroît, en exportant notre savoir-faire et notre savoir-penser, de renforcer nos liens de solidarité avec certains pays, riches en matières premières, en attendant le relais de l’atome.

Mais une réponse technologique est insuffisante. La réponse des pays européens doit être plus globale et accompagner un véritable changement politique : les nouvelles techniques modifient profondément le paysage diplomatique.

La modification de notre économie impliquera en outre des changements dans notre mode de vie et dans l’organisation de notre société. Je tiens à insister sur le fait que notre réponse doit être globale, car les auditeurs du Chear doivent élargir leur champ de vision par-delà les questions techniques et administratives et comprendre qu’il n’y aura de véritable puissance nucléaire pour la France que si sa puissance politique n’est pas entamée auparavant.

Dans cette mobilisation des volontés, l’armée a aujourd’hui plus encore qu’hier un rôle de premier plan. Les circonstances justifient a posteriori les choix qu’elle avait faits. Nous pouvons espérer que, dès les années 1980, l’énergie nucléaire pourra prendre d’une façon significative le relais des hydrocarbures. En serait-on au même point si le général de Gaulle n’avait décidé la constitution de notre force de dissuasion ? Si nous ne sommes pas démunis devant la crise, si M. Giraud a pu discerner des perspectives encourageantes, c’est parce que les militaires ont provoqué et financé depuis de longues années des recherches compliquées et coûteuses. L’effort atomique militaire, poursuivi avec une volonté politique, permet aujourd’hui à la France de maîtriser un processus technologique dont les retombées en matière d’énergie sont considérables. Et Dieu sait si l’effort militaire a été critiqué dans les années passées ! Existe-t-il un exemple plus éclatant de retombée civile d’un programme militaire que celui-ci ? Si la propulsion des navires, la production d’électricité, demain la production directe de chaleur peut se faire à partir de la fission atomique, c’est bien à la collaboration des chercheurs militaires et des chercheurs civils qu’on le doit, et à la fabrication d’une certaine bombe dont personne ne conteste plus aujourd’hui la nécessité ni la crédibilité.

Me voici revenu à la méditation historique de M. Giraud : les événements militaires, comme la destruction d’Hiroshima par le feu nucléaire, ont déterminé, disait-il, les grandes étapes des relations entre les deux grands. Par un singulier renversement, c’est de la crise que nous connaissons, bouleversant les rapports du monde développé et du tiers monde, que doit sortir l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. Aujourd’hui comme hier, les chercheurs militaires sont essentiels à la réussite de ce développement.

C’est la raison pour laquelle la France n’avait pas cédé aux pressions de ses amis visant à faire cesser nos essais atomiques aériens, tant que nous n’estimions pas notre programme achevé. Nos expériences souterraines seront, elles aussi, fécondes pour nos chercheurs et nous les poursuivrons. Notre arsenal nucléaire ne cessera de se perfectionner. L’armée française sera en particulier dotée de Multiple Independently targeted Reentry Vehicle (MIRV) au cours de la prochaine décennie. Notre système de défense tout entier sera davantage centré sur le fait nucléaire et l’organisation des Armées devra en tenir un plus large compte. C’est assez dire que pour sa part le ministère de la Défense, soucieux de garder à la force de dissuasion toute la crédibilité nécessaire, veillera à ce que les recherches militaires dans le domaine nucléaire aboutissent ».

M. Chirac, Premier ministre, à l’ouverture de la XXVIIe Session de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN)

La XXVIIe session de l’IHEDN a été solennellement ouverte le 7 octobre 1974 par M. Chirac, Premier ministre, accompagné des ministres de la Défense, des Affaires étrangères (Jean Sauvagnargues), de l’Éducation (René Haby) et du secrétaire d’État aux Universités (Jean-Pierre Soisson).

L’IHEDN, dirigé actuellement par le général de corps d’armée Etcheverry, dépend du Premier ministre par l’intermédiaire du Secrétaire général de la défense nationale (SGDN). Il a pour objet de « préparer des hauts fonctionnaires, des officiers généraux et supérieurs et des personnes particulièrement qualifiées au point de vue économique et social à tenir des emplois les plus élevés dans les organismes chargés de la préparation et de la conduite de la défense ». Il a en outre un rôle de réflexion et de recherche en matière de défense. Les auditeurs sont invités en effet à faire à l’occasion de leurs travaux en groupe des suggestions pour accroître l’efficacité de la défense.

La XXVIIe session de l’IHEDN comprend 73 auditeurs, dont 1/3 de colonels suivant par ailleurs les cours du Centre des hautes études militaires (CHEM), 1/3 de hauts fonctionnaires du secteur public ou semi-public et 1/3 de représentants du secteur privé (entreprises, banques, professions libérales, un syndicaliste et un pasteur).

Le général Etcheverry, après avoir rappelé quels sont les buts de notre défense à l’ère nucléaire, a présenté les grandes lignes des études proposées aux auditeurs et dont le thème central portera cette année sur « le Proche-Orient, point de rencontre entre l’Europe, l’Orient et l’Afrique ». Les auditeurs se rendront fin novembre en Polynésie et visiteront le Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP), et en cours d’année feront un voyage dans divers pays du Moyen-Orient.

Nous reproduisons ci-dessous le texte de l’allocution prononcée par le Premier ministre : « …Je tiens à exprimer ma satisfaction d’inaugurer cette session, entouré des ministres de la Défense et des Affaires étrangères ainsi que du ministre de l’Éducation et du secrétaire d’État aux Universités, pour bien marquer l’intérêt que le Gouvernement attache aux travaux de l’Institut. Je me réjouis de voir rassemblés pour plusieurs mois de réflexion en commun sur les problèmes graves et difficiles de notre défense, des hommes venus d’horizons divers mais que rapprochent la qualité de leur esprit, l’exercice des importantes responsabilités qui sont les leurs et le même souci de l’intérêt national.

La formule est féconde, les précédentes sessions l’ont amplement démontré. Celle qui s’annonce aujourd’hui en apportera, j’en suis sûr, la confirmation.

Mais puisque dans ce cadre prestigieux de l’École militaire, c’est à notre défense, au sens le plus large du terme, que vous allez désormais consacrer votre attention, je voudrais maintenant en tant que Premier ministre, responsable de la mise en œuvre de la Défense, suivant les décisions prises par le président de la République, fixer en quelques mots les bases sur lesquelles vos réflexions pourront se développer et, cela va de soi, en toute liberté de pensée et d’expression.

C’est avec la plus grande opportunité que le programme que l’on a préparé propose comme prologue à vos travaux une réflexion sur le fait nucléaire.

On ne peut en effet aborder sérieusement l’étude des problèmes de défense si l’on n’a pas au préalable compris clairement non seulement que les armements nucléaires dominent toute la stratégie militaire, mais aussi qu’ils pèsent d’un poids considérable sur la diplomatie, même quand on cherche à le dissimuler, dans cet état de paix armée que connaît le monde et qui marque si fortement notre époque.

Parce que l’emploi des armes nouvelles peut signifier la mort du pays contre lequel elles seraient dirigées, parce que la simple menace de cet emploi peut contraindre ce pays à tous les abandons, le général de Gaulle a pressenti que la stratégie de dissuasion répondait le mieux aux exigences de notre défense dès lors qu’elle excluait de ses ambitions toute prétention à l’hégémonie.

Cette orientation capitale a été maintenue et je m’empresse de dire qu’elle le sera dans le futur. Mais si les perspectives terrifiantes que fait surgir l’hypothèse d’un conflit entre nations dotées d’armement nucléaire imposent à celles-ci le silence des armes, d’autres menaces moins radicales mais plus insidieuses pèsent sur l’avenir de notre pays d’autant plus dangereusement qu’elles s’exercent en des domaines où il n’est pas toujours aisé de distinguer l’agression caractérisée qu’il faut combattre du danger potentiel dont il faut se prémunir.

C’est ainsi que l’affaiblissement de notre économie ou la rupture de l’unité nationale pour des motifs idéologiques pourrait conduire notre pays à sa perte aussi sûrement qu’un conflit armé dans lequel il serait malgré lui impliqué.

Aujourd’hui, la multiplicité des impératifs de défense, leur imbrication, leur caractère très souvent contradictoire, sont une réalité sur laquelle il convient d’avoir des vues aussi nettes et ordonnées que possible. L’étude de la conjoncture mondiale qui vous sera bientôt proposée ne manquera pas de vous aider à les préciser.

Cette étude, qui n’est autre, en définitive, que celle du champ de forces, extraordinairement nombreuses et pour beaucoup hostiles, au travers duquel notre pays doit progresser en s’appuyant d’abord sur ses propres capacités et sa propre énergie, est essentielle.

Elle vous permettra non seulement de mieux discerner l’étendue et la diversité des dangers qui nous guettent mais de comprendre aussi au moment où vous aborderez l’étude de la politique de défense, que construire une défense c’est nécessairement établir des priorités et prononcer des choix qui peuvent être purement militaires mais tout aussi bien économiques et sociaux. Tel est précisément le rôle du pouvoir politique, car dans la perspective d’une défense globale qui est la nôtre, l’action de défense ne peut être dissociée de l’action politique d’ensemble.

Les institutions de la Ve République l’ont d’ailleurs justement souligné, qui ont prévu auprès du Premier ministre un SGDN, chargé de coordonner l’action des divers ministères en matière de défense.

Mais c’est surtout sur les aspects militaires de notre défense que je voudrais maintenant insister.

À une époque où tout citoyen ressent directement dans sa vie quotidienne les effets de la moindre variation de la conjoncture économique et témoigne d’une sensibilité presque aussi aiguë aux altérations de son environnement, la nécessité d’entretenir et de développer un système militaire, conçu pour conjurer un danger par nature hypothétique, est très généralement mal perçue.

Pourtant le danger de conflits armés demeure tant que subsistent dans le monde, et non loin de nos frontières, des forces armées considérables et constamment modernisées.

Sans doute, la France n’a-t-elle aucune raison de prêter à quiconque l’intention de l’attaquer militairement, mais le monde reste divisé et l’avenir incertain. En ces temps de dérèglement du système monétaire international et de crise de l’énergie, comment pourrions-nous oublier le souvenir des graves difficultés internes qui naguère précipitèrent tout un peuple dans la plus folle des aventures militaires ?

C’est donc le premier devoir d’un gouvernement de trouver en lui-même et dans le soutien de l’opinion, la volonté d’imposer l’effort indispensable pour qu’en toutes circonstances soit assurée l’intégrité nationale.

Aux Gouvernements successifs de la Ve République cette volonté n’a jamais fait défaut. N’en déplaise aux détracteurs les plus acharnés de l’armement nucléaire qui, découvrant que leur ironie ne faisait plus recette, empruntent désormais le ton en apparence plus sérieux du moraliste ou du philosophe, la politique obstinément suivie depuis quinze ans porte aujourd’hui ses fruits : la troisième composante de notre Force nucléaire stratégique (FNS) est opérationnelle ; la deuxième génération de nos armes nucléaires entrera prochainement en service et la troisième est en vue : nos forces de manœuvre prennent à leur tour la dimension nucléaire avec l’arme aéroportée et le système Pluton.

Cette brève évocation des résultats acquis n’est pas une invitation à relâcher notre effort mais prouve au contraire qu’ayant atteint des objectifs jugés par beaucoup inaccessibles au moment où ils furent fixés, nous pouvons conserver des ambitions à la hauteur des capacités que nous avons démontrées. Et ces ambitions nous devons les conserver, non par désir de puissance mais parce que nous l’estimons vital.

Aussi longtemps que dans le monde, les plus puissants ne se seront pas engagés dans la voie d’un désarmement véritable, nous ne confondrons pas détente et sécurité ; et quoi que nous fassions par ailleurs pour contribuer à ce désarmement réel, nous n’oublierons jamais, comme le rappelait le commandant de Gaulle, que « la force fait la loi aux peuples et leur règle leur destin ».

Or, nous savons que les armements majeurs sur lesquels repose précisément notre défense nécessitent de très longs délais d’étude et de mise au point et que, faisant appel aux techniques les plus avancées, ils perdent en partie leur efficacité à mesure que ces techniques évoluent.

C’est donc dans le cerveau de nos scientifiques et de nos techniciens, dans nos laboratoires et dans nos centres d’expérimentation que doit se préparer sans discontinuer la relève des armements existants, sachant qu’il est conforme au niveau de développement atteint par la France, à sa position dans le monde et à sa stratégie strictement défensive, d’attacher plus de prix à la qualité de ses armements majeurs qu’à leur nombre.

Mais aucune stratégie n’admet d’impasse. La dissuasion nucléaire qui interdit les conflits majeurs ne prévient pas les actions indirectes qui, par des grignotages prudents et progressifs, peuvent mettre en cause à terme notre indépendance ; elle ne donne pas non plus à la France la capacité d’assumer tous ses engagements et de sauvegarder ses intérêts où que ce soit. C’est pourquoi, il nous faut aussi entretenir d’autres systèmes de force.

Que la défense intéresse toutes les activités de notre pays, que les efforts que nous déployons soient permanents, ne suffit pas, il faut aussi que les Français en comprennent et en acceptent les exigences.

Pour les hommes de notre génération, pour ceux qui ont combattu l’envahisseur sur le sol national, et aussi pour ceux qui d’une manière ou d’une autre en ont subi la pesante présence, la démobilisation d’un grand nombre de Français, et surtout des plus jeunes, leur complaisance, voire l’appui qu’ils donnent parfois aux thèmes les plus discutables, sont une cause d’inquiétude et, pour les plus pessimistes, de doute quant à l’avenir du pays.

Or, sur ce sujet si important je voudrais, non pas prodiguer de vaines assurances mais indiquer de la manière la plus claire que nous ne devons pas nous tromper d’objectif.

Il serait certes dangereux de laisser les Français, et surtout les jeunes, emprunter les voies sans espoir de la démission ou celle d’une contestation systématique qui déboucherait sur une action violente et destructrice. Nous ne saurions donc nous montrer tolérants à certaines minorités irresponsables et confuses. Mais nous devons être très attentifs à ne pas les confondre avec tous ceux qui paraissent les écouter, souvent par conformisme, sans nécessairement les entendre. De même, face à certaines agitations, devons-nous aussi faire soigneusement la part de ce qui serait le signe d’une maladie grave et de ce qui n’est, au contraire, que l’expression d’une vitalité porteuse d’espérance.

Au cours des deux dernières décennies notre pays a changé de visage. Un progrès économique sans précédent a ouvert pour un nombre de plus en plus grand de Françaises et de Français l’accès au savoir et au mieux-être, les rendant plus curieux, plus lucides, plus exigeants. Dans le même temps, l’industrialisation vidait les campagnes au profit des villes, bouleversant le mode de vie d’un très grand nombre d’entre eux.

Durant des siècles, nos masses paysannes ont défendu la terre de France parce qu’elle était la leur et leur seul moyen d’existence. Aujourd’hui les Français ont d’autres valeurs à défendre moins simples à appréhender et moins évidentes que la maison qui abrite ou le champ qui fait vivre. Ces valeurs nous les appelons valeurs de civilisation ou valeurs de société.

Les sources du patriotisme ne sont pas taries, elles se sont simplement déplacées. Ayons d’abord la lucidité de comprendre sans céder à la nostalgie de temps qui furent et ne sont plus. Appliquons-nous ensuite à ranimer ces sources en rendant notre société plus juste, plus humaine, plus ouverte.

Sous l’autorité du Chef de l’État, telle est la tâche à laquelle se consacre le Gouvernement. Il en a la responsabilité mais son effort serait vain s’il demeurait isolé. Que participent donc à l’œuvre collective tous ceux à qui leur position dans la société fait un devoir particulier d’y concourir.

Nous savons depuis Platon que les remparts de la cité sont les hommes, mais nous savons aussi que les hommes ne protègent bien que ce qu’ils aiment. Alors faisons en sorte que les Français aiment la France de demain comme ils l’ont aimé dans le passé, et l’esprit de défense leur sera donné du même coup.

La Défense concerne toutes les activités du pays : elle appelle un effort constant : elle trouve dans le sentiment national son ressort le plus sûr. Je ne vous ai donc parlé que de la France et des Français.

Mais, à l’intention de tous ceux qui pensent, comme je le pense moi-même, que la construction européenne est la plus nécessaire et la plus urgente des tâches confiées à notre génération, je veux dire pour terminer, et de la manière la plus nette, que contrairement à ce que l’on a trop souvent laissé entendre, l’effort que nous accomplissons pour assurer par nous-mêmes notre sécurité n’est pas un obstacle à sa construction, bien au contraire.

Notre action, il est vrai, a longtemps suscité le scepticisme, voire la méfiance, de nos partenaires. Je peux vous dire qu’elle est aujourd’hui mieux comprise et qu’elle est même un objet, non seulement d’attention, mais aussi de considération.

Nul ne sait encore comment ni dans quels délais les peuples européens assureront ensemble leur défense, mais ce dont je suis sûr – et je vous demande de partager ma conviction – c’est que l’effort de la France et des Français en matière de défense est une pierre préparée pour l’édifice futur et qu’il contribue, par l’exemple donné, à faire naître à l’échelle plus vaste de l’Europe, l’indispensable volonté d’assumer un même destin dans l’indépendance, la liberté et la paix. »

Conférence de presse de M. Jacques Soufflet : présentation du budget de la Défense en 1975

Dans une conférence de presse qu’il a donnée le 11 octobre 1974, le ministre de la Défense a présenté les décisions arrêtées la veille en conseil de défense et qui concernent essentiellement le projet de budget de son département pour 1975. Nous avions déjà donné les grandes lignes de ce projet dans notre chronique d’octobre 1974. Nous n’y reviendrons donc que pour donner des précisions nouvelles et pour signaler notamment les mesures supplémentaires adoptées en conseil de défense en faveur des personnels militaires d’active et en faveur du contingent, et enfin pour faire état des déclarations du ministre intéressant l’ensemble de la politique militaire de la France.

Nous avions mentionné dans notre dernière chronique les nouvelles mesures catégorielles en vue de la revalorisation de la condition militaire déjà entreprise en 1974. Bornons-nous à rappeler les plus importantes de ces mesures :

– une nouvelle et très importante majoration de l’indemnité pour charges militaires ;
– la création, pour l’Armée de terre, d’une indemnité pour service en campagne, destinée à compenser les sujétions résultant de la fréquence des absences dues aux manœuvres et séjours d’instruction ;
– une augmentation sensible, pour la Marine, de l’indemnité de service à la mer ;
– l’amélioration, pour les personnels non-officiers des trois Armées, de la pyramide des grades et l’augmentation du nombre des « échelles IV » ;
– l’extension des primes de technicité à l’Armée de terre et l’augmentation du nombre de celles de l’Armée de l’air.

Pour l’ensemble de ces mesures était prévue, au projet initial du budget, une somme de 270 millions de francs. Le Conseil de défense vient d’adopter l’affectation d’un crédit supplémentaire de 130 MF (au lieu des 80 MF demandés par les Armées).

Pour l’amélioration des conditions du service militaire, un total de 89,7 MF avait été inscrit au budget. Le Conseil de défense vient de décider d’y affecter une somme supplémentaire de 110 MF. Ceci permettra, entre autres, de relever, dès le 1er janvier 1975 au lieu du 1er juillet, le prêt des hommes du rang de 2,00 à 2,50 F par jour : le coût de cette mesure supplémentaire se monte à 27 MF. L’aide sociale aux appelés, initialement prévue pour 5,4 MF, se voit affecter 9 MF supplémentaires. Pour permettre l’octroi de voyages gratuits aux permissionnaires, il est prévu 36 MF : pour l’entretien des casernements 35 MF et pour la délivrance gratuite de permis de conduire 3 MF.

Enfin, un troisième axe d’effort, l’amélioration de l’action sociale pour l’ensemble des personnels reçoit, outre les 15,4 MF déjà inscrits, un nouveau crédit de 9,5 MF. Les actions correspondantes sont destinées à mieux compenser les servitudes qui pèsent sur l’environnement familial des militaires.

Les 250 MF nécessaires à l’ensemble de ces mesures supplémentaires en faveur des personnels proviennent d’un transfert du titre V vers le titre III. Elles feront l’objet d’une lettre rectificative du gouvernement et restent bien entendu subordonnées au vote du parlement.

Le ministre a confirmé également que le Conseil de défense avait pris position d’une part sur le Service national dont la durée restera fixée à douze mois, et d’autre part sur la politique de défense de dissuasion, basée sur « l’existence d’une force militaire situant la France à son rang dans le concert des nations ».

Il a fait état du désir du président de la République de voir s’instaurer un service militaire plus juste, plus moderne, mieux adapté aux conditions de la vie moderne et tenant compte des aspirations et capacités du contingent. Le ministre a révélé également que le règlement de discipline générale, qui date de 1966, une époque où les jeunes gens n’étaient pas encore électeurs à 18 ans, serait revu. L’effort dans le domaine du Service national doit faire l’objet, comme celui qui est prévu en faveur des militaires d’active, d’un plan pluriannuel qui assurera la coordination des mesures financières et des mesures d’organisation.

En ce qui concerne le titre V du budget, le ministre a précisé qu’avec 24 milliards de francs d’autorisations de programme contre un peu moins de 22 Md en 1974, il augmentait de 10,5 % (contre 18 % au titre III) et que les 19 Md de crédits de paiement contre 17,5 en 1974 ne représentaient qu’une augmentation de 9,2 %. L’effort qu’il représente dans une ambiance de rigueur est cependant significatif.

En règle générale des autorisations de programme supplémentaires sont affectées à la couverture des hausses économiques et, à titre exceptionnel seulement, au financement de quelques opérations nouvelles.

En ce qui concerne les crédits de paiement, des aménagements très substantiels ont été apportés avec le souci d’adapter aussi exactement que possible les dotations aux besoins réels pour 1975 et éviter ainsi tout report d’une gestion sur l’autre. On peut noter que des réductions importantes ont pu être effectuées sur les crédits de la FNS inscrits à la section commune dont le rythme des crédits de paiement s’avère inférieur aux prévisions. Toutefois les hausses économiques, depuis trois mois, font que le report des crédits de 1974 sur 1975 sera certainement en forte diminution par rapport aux années précédentes.

Le ministre a donné l’assurance que les réductions de crédits de paiement du titre V et notamment le transfert de 250 MF au titre III n’affectaient l’avenir d’aucune des opérations majeures prévues par la 3e loi de programme.

En répondant à de multiples questions de ses auditeurs, le ministre de la Défense a eu l’occasion de préciser divers points intéressant la politique de défense. Il a notamment confirmé que désormais la France ne ferait plus d’essais nucléaires aériens et qu’elle était prête à passer aux essais souterrains. Il a fait état de la décision envisagée en conseil de défense de mettre en chantier un 6e SNLE et de construire un deuxième prototype de l’Avion de combat futur (ACF) [NDLR 2024 : futur Rafale] ; il a saisi cette occasion pour rendre hommage aux ingénieurs et techniciens qui ont donné à la France sa puissance nucléaire et sa capacité de production d’armements dont la qualité est reconnue dans le monde entier. Il a cité, sans les nommer, les cas de pays qui, intéressés d’abord par l’achat de matériels militaires, avaient par la suite passé des commandes intéressant d’autres secteurs industriels.

M. Jacques Soufflet a enfin confirmé qu’il n’était pas question que la France adhère à l’Eurogroupe ni à son agence l’Euronad, qui n’ont d’ailleurs pas réussi jusqu’ici à promouvoir une capacité européenne propre en matière d’armements. ♦

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Mai 2025
n° 880

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