Défense en France - La réforme des corps d'officiers et de sous-officiers adoptée par le Conseil des ministres du 25 juin 1975 - Les adieux du général François Maurin (Cema) - Une nouvelle revue militaire : Armées d'aujourd'hui
La réforme des corps d’officiers et de sous-officiers adoptée par le Conseil des ministres du 25 juin 1975
Le ministre de la Défense a donné, le 25 juin 1975, une conférence de presse à la suite de l’approbation par le Conseil des ministres des projets de réforme des statuts des officiers et des sous-officiers.
Le Gouvernement, a dit M. Yvon Bourges, a reconnu la nécessité d’une revalorisation de la condition militaire qui n’avait pas suivi au même rythme la progression dont ont bénéficié depuis vingt-cinq ans tous les autres corps de l’État. En outre, il a tenu compte des sujétions particulières que comporte à notre époque le métier des armes et des connaissances spéciales – techniques notamment – qu’il exige de la part des cadres de carrière.
Officiers
Les projets adoptés par le Gouvernement comportent un ensemble de mesures destinées à :
– accélérer et simplifier le déroulement des carrières et à imposer une procédure efficace de sélection conduisant à un rajeunissement de l’encadrement ;
– améliorer sensiblement la situation indiciaire de tous les officiers ;
– aider au départ volontaire ceux qui souhaiteraient quitter les armées.
Le premier de ces objectifs sera atteint par le processus suivant. Deux grades seulement, outre ceux des généraux, donneront lieu à une promotion exclusivement au choix : ceux de commandant et de colonel. La sélection pour ces deux grades résultera de la fixation à ces deux niveaux d’un « créneau d’avancement » comportant non seulement une ancienneté minimum mais surtout une ancienneté maximum de grade au-delà de laquelle l’intéressé ne pourra plus être proposé.
Toutefois, pour la nomination au grade de commandant, la rigueur de cette règle sera tempérée par une « passerelle » portant sur 2 % du contingent des promotions à la disposition du ministre, et qui permettra de tenir compte de cas particuliers et de rattraper les erreurs d’appréciation qui auraient pu être commises. Pour la nomination au grade de colonel, la « passerelle de rattrapage » sera beaucoup plus étroite et limitée et ne concernera que les cas exceptionnels.
Pour tous les autres grades, l’avancement se fera exclusivement à l’ancienneté.
L’amélioration de la situation indiciaire des traitements s’applique à l’ensemble des officiers. Elle est réalisée par les mesures suivantes :
• Déroulement automatique de la carrière à l’intérieur du groupe I (sous-lieutenants, lieutenants, capitaines) et du groupe II (commandants et lieutenants-colonels).
• Accession directe au grade de lieutenant des officiers sortis du rang.
• Adoption du régime homogène des échelons « statutaires » de la fonction publique, avec avancement régulier d’échelon en fonction de l’ancienneté détenue dans l’échelon précédent.
• Remaniement de l’échelonnement indiciaire conduisant à porter le « sommet » du grade de :
– lieutenant de 378 à 420 net,
– commandant, de 500 à 525 net,
– lieutenant-colonel, de 550 à 590 net ;
• Augmentation (quatre fois plus qu’actuellement) du contingent d’échelle-lettre A des colonels et fixation de cette échelle-lettre à A.3.
• Création, dans les grades de capitaine et de lieutenant-colonel, au profit des officiers de ces grades bloqués dans leur avancement parce que leur ancienneté dépasserait le plafond du créneau de sélection, d’un échelon exceptionnel qui leur permettra d’accéder à l’indice 500 net pour les capitaines et à l’indice 610 net pour les lieutenants-colonels.
Aides à la reconversion et au départ
Pour favoriser le rajeunissement et l’accélération de la carrière, un système cohérent de mobilité externe est organisé indépendamment des mesures de reclassement dans la fonction publique :
• Avant 15 ans de service : un certain nombre de démissions pourront être acceptées.
• Entre 15 et 25 ans de service :
– bonification d’annuités à raison de 1 pour 5 années de service, dans la limite de 5 annuités (ces annuités seront cumulables avec celles acquises par ailleurs pour manœuvres, séjours au camp, service à la mer, etc.) ;
– possibilité soit de recevoir un pécule, soit de se faire placer en position de disponibilité.
• Au-delà de 25 ans de service : droit à la retraite immédiate du grade supérieur ou, pour les colonels ayant au moins deux ans de grade, congé spécial avec solde de 5 ans au maximum (comptant pour la retraite).
• Congé spécial analogue (dans la limite d’un contingent) pour les officiers généraux ayant un minimum d’ancienneté de grade de quatre ans, sur décision du Gouvernement.
À noter en outre une innovation capitale : celle du droit au départ pour les officiers limités dans leur avancement qui obtiendront de droit, sur leur demande, le pécule ou la disponibilité après 15 ans de service, la pension de retraite du grade supérieur après 25 ans de service.
Enfin, le recrutement des officiers à partir des corps de sous-officiers est modifié pour étendre à la Marine le recrutement par le rang existant dans les autres armées.
Suppression, par extinction, du corps des officiers techniciens
La situation des OT, entre les officiers et les sous-officiers, était ambiguë. Les intéressés étaient en effet souvent maintenus dans des emplois similaires à ceux qu’ils occupaient auparavant sans que les unités puissent les utiliser dans les mêmes conditions que les sous-officiers. En outre, leur avancement était plafonné au grade de capitaine.
Conformément au vœu quasi unanime des groupes de travail consultés et du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), le corps des officiers techniciens sera supprimé par mise en extinction.
Les officiers techniciens pourront soit prendre leur retraite comme OT soit être intégrés dans le corps des officiers, en fonction des vacances disponibles.
Désormais, la promotion des sous-officiers dans les corps d’officiers se fera dans les cadres normaux exclusivement.
Sous-officiers
En 1948 a été institué un système d’échelles de solde dans lequel les sous-officiers sont classés en fonction de leur qualification. Un procédé de sélection efficace fonctionne donc déjà pour les sous-officiers. Aussi les réformes porteront-elles sur l’amélioration de leur situation matérielle ; elles visent à accélérer le déroulement de leur carrière indiciaire et améliorer les perspectives finales de celle-ci. Elles incitent par ailleurs les meilleurs d’entre eux à aller au-delà de 15 ans de service (on sait en effet que c’est à ce moment-là que les sous-officiers peuvent bénéficier d’une retraite avec pension proportionnelle immédiate).
La carrière indiciaire est raccourcie de 25 ans à 21 ans et les améliorations indiciaires qui en résultent se répercutent sur toutes les étapes de la carrière. Les chiffres indiciaires suivants sont avancés, sous toute réserve :
– échelle I : de 181 à 238
– échelle II : de 219 à 305
– échelle III : de 225 à 319
– échelle IV : de 243 à 400
alors qu’actuellement un adjudant-chef à 25 ans de service plafonne à l’indice 360.
Les mesures suivantes sont destinées à inciter les sous-officiers à rester attachés au service :
– à tous les sous-officiers réunissant au moins 10 ans de service est attribuée une prime égale à 5 % de la solde ;
– bonification de 3 annuités valables pour la retraite au profit de ceux qui auront effectué au moins 15 ans de service, et de 5 annuités (au lieu de 3 actuellement) à ceux qui auront effectué 25 ans de service ;
– au-delà de 15 ans de service, prime de technicité aux seuls techniciens (10 % de la solde) en plus des 5 % précédemment acquis à 10 ans de service.
Enfin est créé dans les trois armées et dans la Gendarmerie un corps des sous-officiers majors (dans la Marine : officiers mariniers majors) de carrière, destiné à pourvoir certains emplois fonctionnels et de commandement et à assurer la promotion des meilleurs sous-officiers de carrière. Ces corps comprendront deux grades : major et major principal ; ils seront recrutés parmi les adjudant-chefs titulaires de l’échelle supérieure par concours ou au choix (1) et permettront d’atteindre le sommet indiciaire de la catégorie B, soit l’indice net 444.
Retraités
Le bénéfice des revalorisations indiciaires sera étendu aux pensions des veuves et aux retraités.
Approbation par le Parlement, mise en œuvre et coût de la réforme
Les réformes adoptées par le Gouvernement font l’objet de textes d’ores et déjà déposés au Parlement et sur lesquels il votera à sa prochaine session. Certains points sont en effet du domaine légal conformément aux principes énoncés dans la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires.
Une trentaine de décrets et d’arrêtés ont été préparés pour la mise en œuvre de la réforme qui interviendra le 1er janvier 1976.
Le coût de la mise en œuvre de la réforme est actuellement chiffré à 2 160 MF dont 1 650 MF à la charge du budget de la Défense proprement dit et 500 MF à celui des retraites.
Les dépenses à la charge de la Défense s’échelonneront sur deux ans à raison de 1 100 MF en 1976 et 500 MF en 1977. Les mesures de style indiciaire interviendront en 1976 et joueront en deux étapes : janvier et juillet, et les mesures de style indemnitaire en 1977.
Le ministre, M. Yvon Bourges, a indiqué que les Officier de réserve en situation d’activité (Orsa) bénéficieraient des mesures d’amélioration au même titre que les cadres de carrière.
Il a exprimé sa certitude qu’une fois réalisée cette réforme – qui marque le sommet d’un effort fait en faveur des personnels de carrière, comme avait été fait, il y a quelques mois, un effort en faveur des appelés – la part du titre V (Équipement) cesserait de décroître comme elle le fait depuis plusieurs années.
Quant au secrétaire d’État, le général Marcel Bigeard, il a déclaré que, désormais, les cadres de l’armée n’avaient plus de raison de se considérer comme des « mal-aimés » et qu’ils n’avaient pas à faire de complexe d’infériorité vis-à-vis des autres cadres de la nation. « D’ailleurs, a-t-il dit, je sens partout que le moral est meilleur et que les cadres mettent beaucoup de cœur à l’exercice de leurs fonctions ». Il a par ailleurs annoncé de nouvelles et prochaines mesures de réorganisation.
Les adieux du général François Maurin
Avant de quitter le service actif et ses fonctions de Chef d’état-major des armées (Céma) le 1er juillet, pour être remplacé à ce poste par le général d’armée Guy Méry, le général d’armée aérienne François Maurin a fait une tournée d’adieux aux Armées qui l’a conduit à Strasbourg, Pau, Mont-de-Marsan et Brest. Tant au cours de cette tournée qu’à l’occasion de la séance de clôture du Centre des hautes études militaires (CHEM) qu’il a présidée le 27 juin, ou de la conférence de presse qu’il a donnée au Centre opérationnel des armées le 30 juin, le général Maurin a rappelé quelles furent les principales orientations de son action depuis quatre ans :
– Remédier à l’indifférence des Français à l’égard de leur défense et de leur armée en s’efforçant de leur faire prendre une conscience plus réaliste de la situation militaire internationale.
– Clarifier nos rapports militaires avec l’Alliance atlantique afin que, si les circonstances conduisaient un jour les autorités politiques françaises responsables à décider l’engagement de nos forces aux côtés de celles de nos partenaires de l’Otan, celui-ci soit efficace.
– Assurer aux unités opérationnelles le maximum de moyens d’entraînement.
– Obtenir le redressement de la condition militaire et l’amélioration des conditions d’exécution du service militaire.
Il a par ailleurs incité les chefs responsables :
– à se donner pleinement à leur tâche à leur niveau en ne portant de jugement sur des échelons supérieurs ou sur leurs pairs qu’avec le souci de suggestions constructives à l’exclusion de critiques systématiques et irresponsables ;
– à apporter à l’ensemble de la jeunesse qui leur est confiée toute leur attention et tous leurs conseils afin qu’elle tire le maximum de bénéfice de son passage dans les Armées.
Le Céma qui, au cours des quatre années écoulées, a visité de nombreuses armées étrangères, a affirmé que les Français pouvaient être fiers de leur Armée. Il a dit par ailleurs aux cadres toute son estime et sa confiance.
Dans son ordre du jour du 30 juin 1975, le général Maurin s’est adressé aux personnels des trois Armées en ces termes :
« Vous avez la mission capitale de mettre en œuvre les éléments constamment modernisés de nos Armées, en particulier de nos forces nucléaires de dissuasion. Vous devez être conscients de la responsabilité que cela implique et dignes du rôle éminent qui vous est confié pour maintenir la paix.
« À une époque où, plus que jamais, les compétitions et tes affrontements peuvent surgir d’une manière imprévisible, continuez à vous entraîner durement et avec enthousiasme pour être prêts à faire face à toutes les formes de conflit et à aller au combat si nos libertés venaient à être menacées.
« Soyez convaincus de la noblesse de votre métier ; ayez le souci de présenter aux Français le vrai visage de leurs Armées pour qu’ils y retrouvent une source de fierté et comprennent mieux les exigences de la défense.
« Quittant aujourd’hui les responsabilités de Chef d’état-major des armées, je porte témoignage de votre conscience, de votre efficacité et de votre dévouement au service de la nation tout entière ».
La presse, à l’égard de laquelle le général Maurin s’est toujours montré très attentif, retiendra en outre la compréhension bienveillante, l’ouverture au dialogue et la parfaite courtoisie dont il a toujours fait preuve dans ses rapports avec ses représentants.
Une nouvelle revue militaire : Armées d’aujourd’hui est née
Armées d’aujourd’hui, nouvelle revue officielle, vient de voir le jour le 3 juillet 1975. Succédant à la revue Forces Armées Françaises, elle se veut plus vivante, davantage axée sur l’actualité et plus ouverte vers l’extérieur des armées, plus ouverte également aux écrits des officiers désirant exprimer leur opinion personnelle sur leur métier et sur la fonction militaire.
Armées d’aujourd’hui paraîtra chaque mois en format 21 x 29,7 et doit être diffusée à 40 000 exemplaires, dont 21 000 destinés aux Armées (à raison de 20 numéros par corps), 21 000 autres étant diffusés dans les milieux civils avec un effort particulier à l’adresse des jeunes.
Le conseil de direction de la revue est présidé par le général de corps d’armée Etcheverry, directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Le lieutenant-colonel Girard, du Service d’information et de relations publiques des armées (Sirpa), en est le secrétaire général et assure la direction de la revue (2).
Nous souhaitons plein succès à la nouvelle revue et à ses animateurs. ♦
(1) Il est prévu que 70 % seront recrutés par concours et 30 % au choix, parmi les adjudant-chefs âgés de plus de 40 ans.
(2) Armées d’aujourd’hui. 71, rue Saint-Dominique. BP 113.07, 75326 Paris Cedex 07.