Il est à peine exagéré de dire qu’il ne s’écoule pas de semaine sans qu’une information d’origine obscure, propagée par les plus grands et plus sérieux organes de la presse mondiale, signale l’existence ou la constitution imminente d’une base navale soviétique en un point quelconque du globe. Il arrive même assez souvent que les endroits cités ne correspondent pas à de grands ports connus, mais à des sites lointains, peu hospitaliers, voire désolés et inaccessibles, plus favorables à l’entretien du mystère qu’à l’édification d’installations sérieuses.

Ce phénomène peut certes être mis sur le compte d’une imagination sollicitée par l’inquiétude ; mais il relève aussi plus sûrement de spéculations fondées sur une réalité : l’expansion de la marine de guerre soviétique et les développements de sa politique de présence outre-mer.

Cette expansion et cette présence, qui soulèvent inéluctablement la question des bases à l’étranger, ne manque pas d’impressionner. Mais il serait dangereux, à notre avis, de les interpréter sans tenir compte d’un élément d’appréciation qui nous paraît essentiel : l’expansion de la marine de guerre, l’accroissement de ses activités, sont indissolublement liés à l’expansion parallèle, tout aussi considérable mais peut-être moins spectaculaire pour l’opinion, de la marine marchande soviétique. Elle ne l’a pas précédée ; elle n’en est pas tributaire ; elle l’accompagne et la soutient comme il est du reste naturel, l’économie, la politique et la sécurité ne pouvant nulle part être dissociées, à plus forte raison dans un pays aussi soucieux que l’U.R.S.S. d’une planification intégrant tous les domaines d’activité.