Asie - Corée du Nord : le feuilleton du nucléaire
Depuis plus d’un an, la Corée du Nord, soupçonnée de se livrer à un programme nucléaire militaire, est engagée dans un bras de fer avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le Conseil de sécurité de l’ONU, les États-Unis et ses voisins sud-coréens et japonais. La crise ouverte, le 11 mars 1993, par l’annonce de son intention de se retirer du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) a connu, depuis, de nombreux rebondissements. Critiqué par les républicains pour son laxisme dans cette affaire, le président Clinton, ces dernières semaines, a fait remonter la pression sur Pyongyang afin de l’obliger à respecter ses obligations à l’égard de l’AIEA.
Le problème est double. Tout d’abord, l’émoi provoqué par l’annonce d’intention de retrait fut d’autant plus important que celle-ci créait un terrible précédent. Pour la première fois dans l’histoire du TNP fondé en 1970, un État signataire décidait de le quitter renforçant ainsi les pays qui refusent de le rejoindre, comme l’Inde et le Pakistan, et ouvrant la voie aux États signataires en difficulté avec l’AIEA car soupçonnés de dissimuler une partie de leur programme nucléaire. Ensuite, le refus de Pyongyang d’autoriser l’AIEA de procéder à l’inspection spéciale de deux sites non déclarés, en l’occurrence deux usines militaires situées près de Yongbyon, a renforcé la conviction, basée sur des analyses de déchets radioactifs, que la Corée du Nord est engagée dans un programme de fabrication de l’arme nucléaire, aux conséquences graves dans la région. S’il était prouvé que les Nord-Coréens disposent d’un arsenal militaire, même limité, la Corée du Sud pourrait à son tour se lancer dans un tel programme et le Japon lui-même reconsidérer sa position sur le nucléaire : il possède les moyens d’y répondre immédiatement si telle était sa décision.
La demande d’inspection spéciale est une procédure exceptionnelle dont le principe a été admis en 1990 après l’expérience du cas irakien et qui serait appliquée pour la première fois. Poussée par l’URSS qui lui fit briller en échange un retrait des armes nucléaires américaines au Sud, la Corée du Nord a adhéré au TNP le 12 décembre 1985. Alors que selon l’article 3 du traité, Pyongyang avait dix-huit mois pour signer un accord de garantie qui, seul, permet à l’AIEA de vérifier le respect des engagements pris par l’adhésion, première entorse au traité, la Corée du Nord n’a signé cet accord qu’en janvier 1992 après une percée notable du dialogue entre les deux gouvernements de la péninsule. Après la ratification de l’accord, trois mois plus tard, l’AIEA, procédure normale, a demandé aux autorités nord-coréennes l’inventaire de leurs installations nucléaires. C’est la découverte de deux sites non déclarés et de la dissimulation de deux opérations de retraitement effectuées en 1989 et 1991 qui ont provoqué la demande d’une inspection spéciale par le directeur général de l’Agence le 9 février 1993, la Corée du Nord ayant jusqu’au 25 mars pour l’accepter. Prenant prétexte de la reprise des manœuvres militaires Team Spirit entre les forces américaines et sud-coréennes, les Nord-Coréens annonçaient le 11 mars leur intention de se retirer du TNP.
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