Peu avant sa mort, le professeur Coutau-Bégarie s’interrogeait encore sur la nature du cyberespace : n’est-il qu’un nouveau « milieu » de plus (à côté de la terre, la mer, l’air et de l’espace extra-atmosphérique) au sein duquel les « bons vieux » principes de la stratégie classique peuvent s’appliquer ? Ou bien, s’agit-il d’un nouvel espace, d’une nature si différente qu’il faut y faire table rase et y écrire une nouvelle page de la stratégie ?

S’interroger sur cette question, c’est prendre en compte que le cyberespace est déjà un espace où émergent des conflictualités contenues dans l’espace réel, mais qui s’épanouissent sans limites dans l’anarchie permise par un espace virtuel quasiment privé de frontière, de loi et – semble-t-il – de morale et d’éthique. S’interroger sur cette question, c’est aussi s’interroger sur les principes de la guerre (comme ceux de Fuller ou, pour nous ici, plutôt ceux de Foch) et voir s’ils s’appliquent de manière pertinente dans le cyberespace.

Pour répondre à ces questions, nous verrons que l’émergence de la stratégie aérienne constitue, à bien des égards, un précédent intéressant qui a permis, progressivement, de ranger la conduite de la guerre aérienne parmi les autres stratégies préexistantes. Sur cette base, nous verrons comment les principes de la stratégie classiques peuvent s’appliquer dans le cyberespace, nouveau milieu d’épanouissement des antagonismes entre les puissances. Enfin, nous étudierons l’originalité des caractéristiques propres du cyberespace qui justifient le déploiement d’une stratégie particulière avec des principes propres.