Dans le précédent numéro (novembre 1979), l'auteur, a montré que le « réveil » de l'Islam, auquel on attribue le tumulte actuel dans les pays musulmans, a commencé au XIXe siècle avec la pénétration des idéologies laïques occidentales, notamment le nationalisme et le socialisme, que l'Islam a assez bien absorbés. Mais qu'en est-il de la culture, des modes de vie et des mœurs de l'Occident ? L'Islam joue aujourd'hui un rôle essentiel dans la vie politique des États musulmans, à l'intérieur comme sur le plan international. Mais dans quel but ? L'avenir de l'Islam est dans un renouveau qui reste encore à faire.
L'Islam : réveil ou renouveau (II)
Comme les idéologies occidentales, la culture euro-américaine a pénétré dans le monde de l’Islam. Par culture nous entendons l’ensemble des comportements socialement acquis et transmis avec toutes les œuvres qui en sont la manifestation : religion, droit, art, pratiques économiques, comportements techniques, modes de vie, mœurs, etc. Dans quelle mesure la culture occidentale a-t-elle été vraiment acceptée par les populations musulmanes ? Un problème sur lequel la révolution iranienne, fondée principalement sur le rejet de l’occidentalisation, amène à réfléchir. On ne peut en indiquer ici que les aspects principaux.
Le premier trait de notre culture est d’être laïque. Dieu et César se sont depuis longtemps séparés en Occident. Le spirituel et le temporel sont choses bien distinctes, au niveau de l’État et de la société. La religion est affaire privée. Or dans l’Islam, on l’a vu, il y a confusion des deux sphères. Beaucoup de musulmans, formés en Europe ou en Amérique, ont été au contact d’une civilisation radicalement différente de la leur. Mais dans quel sens peut-on dire qu’ils sont devenus des « laïcs » ? Que penser des mouvements, des partis politiques, voire des États du monde musulman que nous qualifions de « laïques » ? Une question à laquelle il faut essayer de répondre si l’on veut avancer dans la compréhension de l’Islam contemporain.
Sur le plan formel, d’abord. Dans une religion comme l’Islam, sans « Église » ni « clergé », l’opposition prêtres-laïcs ne peut avoir la même force que dans le catholicisme où elle est fondamentale. Et la première encyclique du pape Jean-Paul II vient de le rappeler. Malgré des apparences très trompeuses (surtout en Iran), les « oulamas » « mollahs », « ayatollahs », « muftis », « imams », même nommés par l’administration, ne participent pas à un « ordre hiérarchique », n’exercent pas un « sacerdoce ». Ils ne sont pas « consacrés » au service de Dieu par un sacrement spécial, comme c’est le cas pour l’ordination des prêtres chrétiens (il n’y a d’ailleurs pas de « sacrements » dans l’Islam). Ce sont seulement des gens plus versés que d’autres dans la connaissance et l’exégèse du Coran, des juristes, des magistrats des tribunaux religieux, des prédicateurs, des desservants de mosquées. Seuls le savoir et parfois l’aspect physique – turban noir ou blanc, voile blanc posé sur la tête, longue barbe – les distinguent du reste de la communauté.
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