Avec près de 50 % du fret maritime mondial y transitant, le détroit de Malacca est aujourd’hui le centre névralgique des échanges commerciaux. 80 % des importations en hydrocarbures japonais traversent cet « angle de l’Asie » par cette unique voie, alors que les deux tiers du trafic français containerisé sont charriés chaque année par le chokepoint de Malacca, coincé entre l’île de Sumatra, la Malaisie et dont la cité-île de Singapour est le pivot central : en témoigne son port, le second port de conteneurs au monde. Ce sont près de 94 000 navires qui sillonnent chaque année les eaux des détroits ⁽¹⁾ du Nusantra ⁽²⁾ (cet « espace entre les îles »), et l’ensemble des économies sont dépendantes de cette porte vers l’Extrême-Orient.

C’est ainsi que la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) a publié en janvier 2016 un document étudiant les possibles effets que pourrait avoir une fermeture partielle ou totale d’un ou plusieurs détroits maritimes majeurs. Soulignant « qu’on ne saurait minimiser l’impact social d’une rupture d’approvisionnement de plusieurs semaines dans des sociétés occidentales », l’étude avance trois scénarios pouvant mener à un blocage : d’abord, une réactivation majeure de la piraterie ; ensuite la forte augmentation de la menace terroriste ; enfin, les tensions régionales entre les trois pays-riverains du détroit (Malaisie, Indonésie, Singapour), qui pourraient être avivées par l’expansionnisme chinois au sein des archipels insulindiens.

Ainsi, tout en étant le cœur battant de l’ASEAN (Association of Southeast Asian Nations) ⁽³⁾, cette organisation économique et commerciale de l’Asie du Sud-Est créée en 1967, ce centre géostratégique de l’archipel malais ⁽⁴⁾ en est aussi le talon d’Achille. C’est pourquoi nous allons chercher à analyser les risques sécuritaires pouvant peser sur l’intégrité du détroit de Malacca en reprenant la typologie dressée par la DGRIS, tout en privilégiant une lecture marine de cet ensemble que représente le détroit de Malacca.