L’Allemagne est notre partenaire majeur et l’un des piliers de la construction européenne. Sa puissance économique est un atout pour l’Union européenne (UE). Berlin a une responsabilité majeure en ces temps de crise où les risques de fracture entre les États sont une réalité. Il y a besoin d’une vraie solidarité qui dépasse les égoïsmes nationaux.
Lettre à des amis allemands
A Letter to Some German Friends
Germany is our major partner and one of the pillars of European construction, and its economic power is a great advantage for the EU. Berlin has a major responsibility in these times of crisis, given their inherent risk of fracture between states. We need to seek genuine solidarity that goes beyond national egotism.
l y a longtemps que nous nous connaissons, longtemps que nous avons appris à nous respecter dans nos différences. Cette familiarité inédite à l’échelle des siècles et des générations qui nous ont précédés, nous la devons ensemble à l’Europe, elle-même un gage de notre réconciliation. Je n’ignore pas combien la contribution de l’Allemagne à cette édification fut décisive, notamment lorsqu’il s’est agi de consolider la réunification de votre pays dans une Union européenne elle-même plus forte et plus significative : ce fut la monnaie unique, un geste plus politique que justifié par des réalités économiques. En bien des circonstances, j’ai ressenti que vous portiez la mémoire de nos pères, « plus jamais la guerre entre nous », avec plus de fidélité que nous n’en étions nous-mêmes capables, nous autres Français qui risquons de ne retenir des grands désastres du siècle passé que le sentiment d’avoir été du bon côté.
C’est, me semble-t-il, en grande partie à cause de cette mémoire du désastre que votre peuple a suivi dans son immense majorité le geste incroyable auquel l’invitait votre Chancelière, lorsqu’elle répondit à la crise aiguë des réfugiés de novembre 2015 par cette parole « Wir schaffen es », on y arrivera ensemble ! Et de fait, à ma profonde admiration, tout un peuple de municipalités, d’associations, d’églises locales et d’entreprises s’est levé en Allemagne et travaille encore pour l’intégration de près d’un million de réfugiés. Lorsque cette parole a été prononcée, elle ne reposait sur aucun calcul ; elle prenait un risque d’une ampleur inconnue. C’était à l’état pur une parole politique qui misait sur un choix radical de valeurs et entendait de cette façon préserver l’avenir.
À ce moment, l’Allemagne était seule. Elle le fut même, chez nous et ailleurs, critiquée. Je m’interroge et vous interroge. Est-il possible que ce moment de solitude, l’échec avéré de la solidarité européenne face au partage de la responsabilité de l’accueil, ait pu accroître dans votre pays un sentiment de repli ? Cela n’aurait rien de répréhensible et nous ne voyons que trop, en France, la tentation virulente de ce repli, une préférence pour l’entre-soi national.
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