L’information est une arme essentielle dans les crises avec des approches très différentes entre les démocraties et les régimes autoritaires. Ceux-ci instrumentalisent l’information à des fins de désinformation. À l’inverse, les démocraties peuvent se renforcer et contrer la menace en demeurant ouvertes.
Les essaims cognitifs, arme informationnelle des démocraties
Cognitive Swarming—an Information Weapon for Democracies
Information is an essential weapon in crisis situations, though democracies and authoritarian regimes have very different approaches to it. Authoritarian regimes adopt it to spread disinformation, whereas democracies can use it to strengthen their position and counter the threat by remaining open societies.
Épisode paroxysmique de la confrontation entre la Russie et les démocraties, la guerre en Ukraine se déchaîne également sur le plan informationnel. Moscou recourt sans complexe à la censure, à la diffusion de fake news ou à la désinformation pour resserrer les rangs à l’intérieur et fragiliser la volonté de ses adversaires. Mais les démocraties, elles, ont un atout : l’information libre qui favorise la constitution d’essaims cognitifs.
Les opinions publiques constituant dorénavant un des centres de gravité des forces en présence, les confrontations impliquent ce que les Britanniques ont conceptualisé comme a whole-of-society approach. La guerre n’oppose plus forcément ou uniquement les armées, mais les sociétés dans leur ensemble. La guerre par le milieu social (GMS) contemporaine ne vise pas la destruction de l’adversaire, mais sa dislocation en manipulant ses systèmes de représentation. Les protagonistes cherchent notamment à dégrader les moyens de communication adverses, à cibler les groupes ou les individus clefs les plus influents, à concevoir et amplifier des messages destinés à bouleverser les perceptions.
Les régimes autoritaires, comme celui de Vladimir Poutine, créent leurs éléments de langage de façon pyramidale. Ils n’hésitent pas à utiliser une large gamme d’outils allant de la censure à la propagande en passant par l’intoxication. Ils diffusent artificiellement leurs fake news par le biais de « brigades de trolls » ou de « fermes à tweet ». Ainsi cherchent-ils à saturer l’espace cognitif. Ils misent sur les effets de la loi de Brandolini qui veut qu’il faille une dépense d’énergie bien supérieure pour réfuter des idioties à celle nécessaire pour les énoncer. À défaut de convaincre l’opinion de leurs compétiteurs, ils peuvent chercher à la paralyser. En créant un brouillard cognitif d’où la vérité peine à émerger, ils favorisent le relativisme. Une opinion qui craint d’être manipulée est moins prompte à prendre parti. Ainsi les opérateurs de guerre informationnels russes cherchent-ils, a minima, à susciter le doute pour miner le consensus interne des démocraties.
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