Le 80e anniversaire de la capitulation allemande voit la guerre de haute intensité sévir sur le continent européen avec l’invasion d’une partie de l’Ukraine par la Russie. Cela démontre que de nombreuses questions que l’on croyait définitivement résolues ont persisté comme les nationalismes et la nature des régimes. L’arrivée de la nouvelle administration Trump marque une rupture nouvelle fragilisant l’Europe.
8 mai 1945 : une capitulation qui ne régla pas tout, on le comprend bien aujourd’hui
8 May 1945—The Capitulation Did Not Solve Everything, as Current Events Show
The 80th anniversary of the German capitulation coincides with high-intensity war again raging in Europe, following Russia’s invasion of part of Ukraine. It demonstrates that many of the matters we believed finally resolved continue to pose problems, such as nationalism and the nature of regimes. Moreover, the new Trump administration is creating turmoil that is weakening Europe.
En mai 1945, lors de la capitulation allemande, deux grands problèmes confrontaient les vainqueurs : après la défaite du nazisme et du fascisme, rétablir la démocratie en Europe ; et assurer, après les invasions, annexions, occupations subies depuis 1938 par la plupart des pays européens, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ils ne furent toutefois pas vraiment résolus.
En effet, de quelle démocratie parlait-on ? Démocratie libérale ou « démocratie socialiste », à la soviétique ? À ce sujet, le moment le plus caractéristique de la Conférence de Yalta en février 1945 fut la discussion sur la « Déclaration sur l’Europe libérée » (1). Adoptée par la conférence, la Déclaration affirmait le principe de gouvernements issus d’élections libres, contrôlées par les Trois. En fait, cette déclaration, purement de principe et dépourvue d’efficacité, n’était qu’un paravent, derrière lequel les Anglo-Saxons savaient bien que Staline allait n’en faire qu’à sa tête en Europe orientale. Malgré tout, il s’agissait d’un texte important, car il posait pour la première fois la démocratie fondée sur des élections libres comme la norme du droit public européen. En même temps, on peut se demander si les Anglo-Américains se faisaient beaucoup d’illusions sur son efficacité. En effet, Molotov, le ministre des Affaires étrangères soviétique, sut, très habilement, émasculer la Déclaration, en en écartant toutes les propositions concrètes de contrôle des élections et d’envoi d’observateurs. Les discussions lors de la conférence montrent bien que les Occidentaux comprenaient que dans ces conditions les élections seraient probablement truquées (2).
Bien sûr, le problème ne disparut pas, comme les soulèvements en RDA (République démocratique allemande) en 1953, en Hongrie en 1956, en Pologne en 1957, en Tchécoslovaquie en 1968, de nouveau en Pologne en 1980, le démontrèrent. L’Acte final d’Helsinki (3) de 1975 fournit un appui juridique aux dissidents, et la fin de la guerre froide, en Europe de l’Est, fut étroitement liée à l’instauration de régimes démocratiques. La question posée en 1945 paraissait résolue : on parlait bien de démocratie libérale et pas de « démocratie socialiste ». En novembre 1990, la Conférence de Paris adopta une Charte européenne affirmant les principes de la démocratie dans sa version libérale comme norme juridique internationale en Europe (4). Cependant et contrairement à ce que pensaient les idéologues libéraux, on ne sort pas aussi facilement que cela du communisme, qui avait engendré un système politique, une économie et une société qui avaient leur propre logique. On l’a vu tout particulièrement (mais pas uniquement) depuis 1990 en Russie et en ex-Yougoslavie.
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