Les reconfigurations au Sahel suite à des coups d’État militaire obligent à revoir les questions de coopération régionale en matière de sécurité. Les principes de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) sont remis en cause par l’Alliance des États du Sahel (AES). La Guinée se retrouve dans une position intermédiaire et pourrait donc jouer un rôle de médiation entre les deux organisations en vue de reconstruire une communauté politique régionale.
Souveraineté sécuritaire et défis de coopération régionale entre la Guinée, l’Alliance des États du Sahel et la Cédéao
Independence of Security and Challenges of Regional Cooperation between Guinea, the Alliance of Sahel States and ECOWAS
Changes in the Sahel following military coups d’état call for a review of regional cooperation on security matters. The principles of the Economic Community of West African States (ECOWAS) have been challenged by the Alliance of Sahel States (Alliance des États du Sahel—AES). Guinea sits in the middle ground and could therefore act as mediator between the two organisations with the aim of rebuilding a regional political community.
Depuis le début des années 2010, l’Afrique de l’Ouest est confrontée à une reconfiguration profonde de ses enjeux sécuritaires. Aux défis structurels se sont superposées des menaces asymétriques qui ont progressivement transformé le paysage sécuritaire régional. Le terrorisme djihadiste et les conflits communautaires, alimentés par la criminalité transnationale organisée, constituent aujourd’hui les principales formes d’insécurité.
Dans ce contexte, plusieurs États de la région ont connu des transitions militaires récentes. Le Mali (2020, 2021), la Guinée (2021), le Burkina Faso (2022) et le Niger (2023) ont ainsi été propulsés dans des transitions politiques dominées par des juntes militaires, invoquant la défaillance des régimes civils à juguler l’insécurité. Ces transitions ont opéré une relecture souverainiste du rôle de l’État dans la sécurité nationale et régionale, souvent en tension avec les injonctions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao (1)), perçue par ces régimes comme un acteur aux logiques coercitives, voire intrusives (2). Ainsi, la formation de l’Alliance des États du Sahel (AES), officialisée en 2023 par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, représente une tentative de refondation de l’action sécuritaire régionale, fondée sur une logique de défense mutuelle et d’autonomie sécuritaire. D’ailleurs, cette dynamique interroge les paradigmes établis par la Cédéao depuis plusieurs décennies, notamment en matière de prévention des conflits, de maintien de la paix (Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group, ECOMOG) et de gouvernance démocratique (Protocole additionnel de 2001 (3)).
Depuis la décennie 1990, la Cédéao a mis, en effet, en place des mécanismes de prévention et de résolution des conflits définis dans le Cadre de prévention des conflits (4) faisant de la sécurité collective l’un des piliers de son action régionale. L’architecture de sécurité africaine promue par l’Union africaine (UA) étant restée incomplète, la Cédéao a su renforcer sa position sur le plan régional. L’AES, en rupture avec cette orientation, se veut une organisation alternative, centrée sur la souveraineté sécuritaire et l’exclusion des influences étrangères jugées néocoloniales. Elle incarne une volonté politique affirmée de rupture avec les anciennes puissances tutélaires, notamment la France, et met en avant une sécurité endogène, enracinée dans la solidarité entre États dirigés par des régimes militaires.
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