Depuis la fin des années 2010, la Russie déploie une stratégie d’influence visant à légitimer son interventionnisme. En s’appuyant sur des réseaux d’acteurs étatiques, non officiels ou locaux, Moscou développe une posture anti-coloniale et contestant l’ordre libéral international, présentant dès lors la Russie comme solidaire de l’Afrique.
La stratégie d’influence de la Russie en Afrique subsaharienne : réseau d’acteurs et posture anti-coloniale
Russian Influence Strategy in Sub-Saharan Africa: A Network of Actors and Anti-Colonial Posture
Since 2010, Russia has been deploying a strategy of influence aimed at legitimising its interventionism. In relying on a network of non-official or local state actors, Moscow is developing an anti-colonial posture and challenging the liberal international order, in this way presenting Russia’s solidarity with Africa.
Note préliminaire : Cette contribution est la version reprise et actualisée d’un article publié dans : « Regards sur l’Eurasie. L’année politique 2024 », Les Cahiers du CERI/Sciences Po, n° 277-278, février 2025 (https://www.sciencespo.fr/).
À l’été 2024, de grands panneaux publicitaires apparaissent le long de plusieurs axes routiers de la ville d’Accra au Ghana. On y découvre le visage de Kwame Nkrumah, figure de proue du panafricanisme et premier Président du Ghana indépendant (1957), accompagné d’une citation paraphrasant le titre de son ouvrage phare (1) : Neocolonialism is the Worst form of Imperialism. Juste en dessous, un logo carré vert pomme, sans lien apparent avec le message, celui de la chaîne Russia Today (RT), le principal média d’État russe transnational (2).
Intitulée Your Values. Shared. [Vos valeurs, partagées], cette campagne reflète la manière dont la Russie étend aujourd’hui son influence en Afrique subsaharienne. Elle s’inscrit dans un processus de réengagement amorcé dès la fin des années 2000, accéléré par le Sommet Russie-Afrique de Sotchi en 2019 et confirmé après l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022. Le renouveau des relations russo-africaines a été formalisé dans le dernier Concept de politique étrangère de la Fédération de Russie (3), adopté en 2023. Cette doctrine accorde une place considérablement renforcée à l’Afrique subsaharienne, dans un contexte de rupture profonde des relations russo-occidentales consécutif à la guerre en Ukraine. Le rôle joué à partir de 2018 par l’un des acteurs non officiels les plus puissants de la politique étrangère russe, le groupe paramilitaire Wagner, a largement contribué à l’accroissement des relations bilatérales tout en suscitant des interrogations sur le caractère « bicéphale » – étatique d’un côté et non officielle de l’autre – de la présence russe en Afrique, notamment au Sahel (4).
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