L'émotion provoquée par l'attaque aérienne lancée le 11 septembre 2001 suscite une triple interrogation. D'ordre géostratégique tout d'abord : comment riposter à des actes de barbarie menés par un groupe d'individus agissant de toute évidence en marge de la communauté internationale ? En matière aéronautique ensuite : par quels moyens contrer une agression menée à partir d'aéronefs civils détournés pour être précipités avec la puissance que confère l'avion à réaction contre des personnes et des biens et provoquer des milliers de victimes innocentes et d'incommensurables dégâts matériels ? De nature juridique enfin − de quels moyens les États disposent-ils pour se prémunir de tels actes ? Les réponses à ces questions sont évidemment complexes ; mais déjà un constat s'impose : en moins d'un demi-siècle le terrorisme aérien est devenu une forme de lutte armée. Au niveau de la communauté internationale et à l'intérieur des États, les moyens pour lutter contre la piraterie aérienne ne manquent pas. Au début du XXIe siècle, comment contrer le terrorisme aérien ?
L'avion civil et le terrorisme : quelle stratégie ?
De manière générale, le terrorisme aérien regroupe tout « acte d’interférence illicite rendant moins sûre l’aviation civile ». Ces atteintes à la sûreté du transport aérien prennent la forme de détournement, d’acte de sabotage de l’avion et même d’attentats visant les infrastructures aéroportuaires. Au-delà des faits connus de tous, s’impose le constat d’une évolution notable des modes d’action, comme si une stratégie se dessinait, comme s’il existait une géopolitique du terrorisme aérien.
Au cours des années 60 prédominaient les détournements d’appareils (38 en 1968 et 82 en 1969), qualifiés en droit de captures illicites d’aéronefs, suivis dans les années 70 par des assassinats de membres d’équipages ou de passagers, puis par la destruction volontaire d’appareils en vol du type du DC 10 d’UTA au-dessus du Niger en 1989 ou du Boeing 747 de la Pan Am à Lockerbie un an plus tard. De toute évidence, un seul point commun permet de relier tous ces événements, celui d’actes commis par des minorités franchissant peu à peu toutes les échelles de la violence armée. Jusqu’à la fin des années 70 la pratique des détournements d’aéronefs civils a pour objet d’attirer l’attention de l’opinion publique sur une cause perdue. Ainsi du détournement d’un appareil de la Japan Airlines sur la Corée du Nord en mars 1970 commis par un « parti des prolétaires révolutionnaires du monde entier » ou encore de la capture en 1977 d’un appareil de la Lufthansa assurant le vol Palma de Majorque-Francfort par des membres de la « bande à Baader ». Détourné sur Aden, où les terroristes assassinent le commandant de bord, le vol LH 181 atterrit le 17 octobre en Somalie. Dépêchées dans la nuit à Mogadiscio, les forces spéciales de la gendarmerie allemande parviennent à libérer les otages. Par la suite la fréquence des atteintes à la sûreté de l’aéronautique civile devient plus directement liée à l’instabilité et aux frustrations du Proche-Orient. Ainsi de l’explosion en vol d’un avion de la Swissair à destination de Tel Aviv le 22 février 1970 (47 morts) ou de l’affaire d’Entebbe il y a vingt-cinq ans. Le 27 juin 1976, un appareil d’Air France au départ de Tel Aviv à destination de Paris via Athènes est détourné sur l’Ouganda. Une semaine plus tard, un raid des forces spéciales israéliennes parvient à libérer 77 ressortissants de l’État hébreu. L’opération est un succès, mais 33 victimes dont 4 otages sont à déplorer. En décembre 1994, un commando islamiste s’empare à Alger d’un Airbus d’Air France à destination de Marseille-Marignane : l’avion est détourné, des passagers abattus, mais un bain de sang est évité grâce à l’intervention de la gendarmerie nationale sur l’aéroport de Marseille-Marignane.
En moins de quarante ans, le terrorisme aérien a donc évolué de l’agression dirigée contre le vecteur (cas du détournement) à l’attentat aveugle (cas de l’explosion en vol par sabotage) pour aboutir désormais à un acte visant à la fois l’avion, son équipage, ses passagers et… le reste du monde. À ses débuts, la piraterie aérienne s’accompagnait de revendications précises et de négociations. Tel n’est plus le cas depuis les attentats de 1988 et 1989 qui, pas plus que ceux du 11 septembre, ne sont clairement revendiqués et surtout ne sont assortis d’aucune négociation permettant à un État de peser sur l’issue de ces actes.
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