Nul doute que l'acte constitutif de l'Union africaine représentait un tournant important dans l'histoire de l'Afrique. N'avait-il pas annoncé de nouvelles institutions chargées de remédier aux racines profondes des conflits ? En effet, le protocole relatif à l'établissement d'un conseil de paix et de sécurité semblait incarner une nouvelle « doctrine » dans les domaines politiques, sociaux et sécuritaires. Or, les évolutions sur le terrain ont révélé un certain décalage entre les « bonnes intentions » et les « actes tangibles ».
Nouvelle « doctrine » et nouveau « conseil » pour la paix et la sécurité en Afrique
En 1999, le président libyen lançait l’idée ambitieuse d’établir ce qu’il avait appelé « Les États-Unis d’Afrique ». Selon le projet initial, présenté lors d’un Sommet extraordinaire à Syrte, en Libye, il s’agissait de la mise en place d’une fédération rassemblant tous les pays africains. Cette nouvelle entité gigantesque aurait la tâche non seulement de mobiliser les ressources de l’Afrique pour assurer son développement, mais également de veiller sur la bonne gouvernance et l’instauration de la paix et la stabilité en son sein.
Théoriquement, le projet ne manquait pas d’attraits. Le simple fait d’établir la nouvelle fédération signifierait un engagement formel de la part de ses composants à respecter sa Constitution stipulant le respect de droits de l’homme et des minorités, les principes démocratiques et la bonne gouvernance. Partant, il serait difficile désormais de parler des conflits ou de coups d’États. Les « troubles » qui pourraient survenir seraient plutôt une « affaire intérieure » relevant des compétences des autorités fédérales chargées d’« établir l’ordre », et non plus des « conflits » appelant des « interventions étrangères » ou des opérations de « maintien de la paix » onusiennes. L’accumulation des expériences requises par les « États » dans le domaine du maintien de la paix pourrait assurer l’efficacité et le bon déroulement des opérations, tandis que la fédération, dans son ensemble, serait à même de fournir le soutien logistique et le financement nécessaires. La réalisation d’un tel projet étant hors de portée, la diplomatie libyenne présentait, lors du même sommet, une alternative moins ambitieuse mais plus réaliste. Il s’agissait de la création d’une Union plus dynamique et mieux outillée que l’Organisation de l’unité africaine (OUA) (1).
En dépit du fait que l’objectif maximaliste s’avérait difficile à atteindre, l’acte constitutif de l’Union africaine (2), adopté lors du Sommet de Syrte II, en 2000, représentait un tournant important. En effet, avec cette création un nouveau chapitre allait s’ouvrir dans l’histoire de l’Afrique. Si la Charte de l’Organisation de l’unité africaine, qui assumait jusqu’alors l’action collective continentale, avait mis en relief la question de la décolonisation et la souveraineté, l’acte constitutif de son successeur accordait la priorité au développement et à la stabilité. La proclamation de l’Union africaine n’avait-elle pas annoncé de nouvelles institutions chargées de remédier aux raisons profondes des conflits, tant économiques que politiques et sociales ? Si le nouveau « partenariat économique » connu sous le nom de Nepad (3) s’occupait de l’aspect du développement, la mise sur pied d’un conseil de paix et de sécurité semblait incarner une nouvelle « doctrine » dans les domaines politiques, sociaux et sécuritaires.
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