Quand Donald Rumsfeld affirme que « c’est la mission qui fait la coalition », il ne s’agit pas de l’expression d’un isolationnisme traditionnel américain ; car l’usage même du mot « coalition » montre que les États-Unis ne se retirent pas du monde. Le concurrent soviétique ayant disparu, retourneraient-ils alors à la construction de la société idéale dont ils ont la vision depuis leur naissance ? En ce cas, l’idéal du Nouveau Monde s’exprimerait différemment : il y aurait toujours une altérité américaine au monde, un hégémon bienveillant.
De ce point de vue, il n’y a plus besoin d’alliances, obstacle à la domination éclairée de l’hégémon. C’est la multipolarité contemporaine qui promeut les coalitions ; et la doctrine Rumsfeld, présentée comme l’expression de l’unilatéralisme arrogant, n’est au fond que l’acceptation pragmatique d’une multipolarité réelle. Toutefois, les coalitions s’accommodent mal de l’unilatéralisme.
Enfin, alors qu’on parle sans cesse de mondialisation, l’interdépendance en matière de sécurité a diminué depuis la fin du système bipolaire. Le monde est aujourd’hui plus régional, ce qui favorise les coalitions. D. Rumsfeld a donc raison : c’est la mission qui fera la coalition, mais dans le monde multipolaire prôné par l’Europe.
L’hiver dernier, le grand débat international sur l’Irak a opposé la multipolarité du monde au leadership américain. Au point que le secrétaire d’État américain à la Défense, Donald Rumsfeld, a pu affirmer que « c’est la mission qui fait la coalition ».
Promouvoir des coalitions, « ententes circonstancielles pour une action commune » (1), paraît signifier le retour à une ancienne vision du monde, celle du refus des alliances permanentes. Alors que les États-Unis sont décrits comme « hyperpuissance », « puissance indispensable », « hégémon », pourquoi ne conservent-ils pas une alliance fixe, dont le prix demeure faible comparé aux avantages qu’elle constitue ? L’hyperpuissance est-elle si puissante désormais qu’elle puisse se passer de toute aide ? Il ne s’agit pas ici de dénoncer l’unilatéralisme, qui fait l’objet d’un autre débat, mais d’analyser pourquoi ce passage d’un système d’alliances fixes à une succession de coalitions éphémères est prôné, et comment il s’inscrit dans l’opposition multipolarité-monopolarité.
Cette « doctrine Rumsfeld » n’est pas l’expression d’un isolationnisme récurrent ; elle constitue plutôt la fin d’un système d’équilibre des forces ; cela conduit à un hégémon qui se prétend idéaliste, mais qui accepte de facto la multipolarité, malgré ses dénégations.
Le retour à un isolationnisme bien tempéré ?
La fin d’un système d’équilibre des forces ?
Un Hégémon bienveillant ?
Paradoxes