Les grandes Institutions françaises : la Cour de Cassation
C’est un spectacle plein d’animation que celui qui se peut observer, chaque jour, dès une heure de relevée, au Palais de Justice de Paris : aux Pas perdus ou dans la Galerie marchande, les gens de chicane, comme au temps de Racine, s’affairent et disputent ; d’un pas assuré, les récidivistes vont leur chemin, cependant que les novices font appel aux gardes débonnaires pour trouver enfin l’endroit précis auquel ils sont assignés ; nombreux, les avocats, plaideurs de toujours, s’interpellent ou s’interrogent, formant des groupes bruyants où Daumier reconnaîtrait les siens ; porteur d’une lourde serviette, quelque magistrat attardé se hâte vers son audience cependant que, parfois, à l’issue de la Correctionnelle, quelque prévenu libre, mécontent de la condamnation qui vient de le frapper, s’en prend, d’une voix vive, au témoin, dont la déposition, il y a un instant, l’a accablé. En cet instant, ce Palais, temple pourtant de la parole, n’est rempli, comme la Bourse, temple des marchands, que d’un fracas assourdissant fait de mille voix qui se mêlent et s’entremêlent : la ruche, en plein travail, bourdonne…
Une aile de l’édifice échappe cependant au tumulte général ; on n’y voit point de plaideurs passionnés et les avocats qu’on y rencontre ne sont pas de ceux auxquels une éloquence réputée a mérité les faveurs de la célébrité ; bien plus que par une grille à l’issue d’un couloir, la limite est marquée par le passage de l’agitation au calme, de la vie à l’absence de vie ; comme autour du sépulcre de Dante, la fameuse zone de silence, la galerie d’accès, avec ses tapis moelleux et les bustes de marbre de ses jurisconsultes d’autrefois, compose autour de la Cour de Cassation (1) une sorte de fastueux rivage où vient mourir le flot des passions de l’extérieur…
Et il est bien vrai qu’on approche ici du Saint des saints : comme d’usage, il est loin de la foule.
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