Version écrite de l’intervention d’André Dumoulin au colloque des « Club Participation et Progrès » et « Démocraties », sur « La dissuasion nucléaire française en question(s) », Paris, 23-24 septembre 2005, qui tient compte aujourd’hui des déclarations du président Chirac du 19 janvier 2006. Le nucléaire entre en zone de turbulence, non plus dans la dynamique de la crédibilité face à la course technologique, mais par la mise en évidence de risques proliférateurs. Au concept de dernier recours dans la stratégie de l’Otan répond le discours politique de la dissuasion française qui prend en compte certains aspects du terrorisme nucléaire par complicité étatique. Flexibilité, crédibilité et tous azimuts deviennent les mots-clés dans un environnement incertain.
Dissuasions française et américaine : scénarios pour l'Europe
French and US deterrence: European scenarios
This is the written version of the presentation by André Dumoulin at the symposium of Club Participation et Progrès and Démocraties on ‘The future of the French deterrent’, Paris, 23-24 September 2005, which now takes into account the policy statement made by President Chirac on 19 January 2006. Nuclear policy is entering a period of turbulence. It is no longer a question of technological credibility, but of increasing concern with the risks posed by nuclear proliferation. The NATO strategy of ‘last resort’ is being challenged by a political justification for French deterrence which takes into account certain aspects of nuclear terrorism with State complicity. In an uncertain environment, the key words have become flexibility, credibility and all-round capability.
Comment les inflexions subtiles du discours doctrinal nucléaire français s’articulent-elles avec la posture américaine sur le « Vieux Continent » ? Quels sont les scénarios auxquels l’Europe pourrait assister durant la prochaine décennie ? Pour tenter d’avancer quelques pistes, photographions au préalable, le concept nucléaire otanien actuel.
Le concept nucléaire de l’Otan
La référence otanienne au nucléaire est associée à la fonction politique de l’arme nucléaire, « préserver la paix et prévenir la guerre ou toute forme de coercition », à la solidarité commune mais aussi au poids transatlantique et américain dans le champ de la dissuasion. L’arme nucléaire implique encore et toujours la dominance américaine dans l’Alliance sans nécessairement répondre à une menace clairement désignée : ainsi, à propos des bombes nucléaires américaines à gravité, « il est évident que leur rôle est simplement politique, elles ne servent qu’à justifier le maintien d’un officier américain au poste de Saceur » (Armand De Decker).
Dès lors, le paragraphe 46 du nouveau Concept stratégique de 1999, toujours d’application aujourd’hui, précise que « l’Alliance maintiendra dans l’avenir prévisible une combinaison appropriée de forces nucléaires et de forces conventionnelles basées en Europe et tenues à niveau là où ce sera nécessaire, encore qu’il doive s’agir du niveau minimum suffisant. (…) Mais ces forces conventionnelles ne peuvent à elles seules assurer une dissuasion crédible ». Par ailleurs, « les armes nucléaires apportent une contribution unique en rendant incalculables et inacceptables les risques que comporterait une agression contre l’Alliance. Elles restent donc indispensables au maintien de la paix ».
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