Dès les premières vagues de décolonisation, les États africains et Israël nouent des relations sur le fondement de représentations partagées. Ces liens évoluent fortement au gré de l’actualité internationale et de l’émergence d’Israël comme puissance incontestée du Moyen-Orient. Cette stature nouvelle consacrée par les guerres des Six-jours (1967) et du Kippour (1973), ainsi que la traduction de la guerre froide sur le continent mettent fin à cet attrait réciproque, ce à l’exception notable de l’Afrique du Sud dont les relations avec l’État hébreu ont été pourtant longtemps surestimées. C’est seulement dans les années 90 que s’amorce le rétablissement d’une certaine normalité entre les États du continent et Israël.
Passé et présent de l'attrait géopolitique d'Israël pour l'Afrique noire
The past and present of Israel's attraction for black Africa
The first wave of decolonisation saw African countries and Israel establishing relations on the basis of shared diplomatic missions. These links evolved significantly, reflecting international events and Israel’s emergence as a major power in the Middle East. Its new stature, confirmed by the Six-Day War (1967) and that of Yom Kippur (1973), together with the echoes of the Cold War on the continent, put an end to this mutual attraction; a notable exception to this is South Africa, whose relationship with Israel has, however, long been overrated. It is only since the 1990s that a more normal situation between African countries and Israel has started to emerge.
À n’évoquer que les liens étroits et solides — bien que souvent fantasmés — entre Israël et les États-Unis, ou à ne relever que l’état des rapports commerciaux avec l’Europe ou l’Asie, on en vient à négliger l’un des pôles diplomatique et stratégique de l’État hébreu depuis son indépendance : l’Afrique noire. Or l’attention très soutenue qu’Israël a entretenue et continue d’entretenir pour ce continent proche s’inscrit dans un triple registre : économique, diplomatique, stratégique (1).
Les motivations géopolitiques d’Israël
Sur le plan économique, il s’agit de se placer dès l’accession à l’indépendance des États noirs africains sur ce marché émergent et potentiellement très intéressant ; c’est en effet un nombre considérable d’États — une vingtaine entre 1958 et 1960 — dotés pour beaucoup de ressources naturelles non négligeables, qui apparaît. Parfois, leur solvabilité est même garantie par des aides des anciennes puissances coloniales. Les premiers contrats concernent les techniques agricoles (irrigation notamment), l’éducation, et l’aide technique militaire. Israël importe en contrepartie des matières premières : fruits, cacao, pierres précieuses... Avant la rupture de la guerre du Kippour d’octobre 1973, Israël compte 28 partenaires commerciaux en Afrique où 2 800 experts travaillent sur 67 projets de développement, pour un volume d’échanges modestes (en dizaines de millions de dollars), mais avec une balance commerciale globale bénéficiaire. En 2006, c’est le consortium israélien Africa Israel qui se trouve en pointe dans le partenariat technique et économique avec l’Afrique noire.
Sur le plan politique, l’afflux soudain de voix africaines à l’Assemblée générale des Nations unies intéresse d’autant plus l’État hébreu que, dans les années 60, le bloc arabo-communiste se fait sans cesse plus pressant dans ses résolutions anti-israéliennes. Au-delà de l’arithmétique (tous les États africains ne votant pas comme un seul), il s’agit de forger des amitiés qui garantiront un non-alignement éventuel sur les États arabes.
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