Désunis, les États de l’Union européenne ne peuvent que constater la détérioration en leur défaveur du système international existant sous l’effet de la grave crise ouverte en Irak. Les trois piliers sur lesquels reposaient l’ordre ancien, l’ONU et les règles de la sécurité collective, l’Alliance atlantique et l’UE, ont été profondément ébranlés. En particulier, l’Europe a été la grande absente de la restructuration en cours de la vie internationale. Ce n’est pas faute de moyens. Après tout, l’Europe s’est réconciliée et elle s’est reconstruite. Ce qui lui manque c’est la volonté de reprendre sa place dans le monde. Pour atteindre cet objectif, il n’y a d’autre voie que celle de la mise en commun de ses forces, qui seule lui permettra de jouer un rôle dans le monde pluripolaire dont nous constatons l’émergence chaque jour davantage.
Les États-désunis d'Europe dans le monde d'aujourd'hui et de demain
The Disunited States of Europe in today and tomorrow's world
Disunited, the EU member states can only look on as the international situation deteriorates to their disadvantage because of the crisis in Iraq. The three pillars on which the old order rested–the UN with its rules on collective security, the Atlantic Alliance and the EU–have been seriously shaken. In particular, Europe has been notably absent from the restructuring of the international system, but not because it lacks the means: what is absent is Europe’s will to regain its place in the world. To reach that goal the only solution is to pool its forces; that alone will allow Europe to play its role in a world that becomes more multipolar with each day that passes.
L’écroulement de l’Union soviétique en 1991 a profondément modifié les données de la politique internationale. Un duopole de facto limitait jusqu’alors la liberté d’action de chacun des deux protagonistes. Lui a succédé l’hyperpuissance des États-Unis d’Amérique, seule capable d’imposer ses vues aux grands États que sont en voie de devenir la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil, et de se passer désormais du concours des Européens. Ceux-ci avaient gardé, tout au long de la guerre froide, le sentiment d’apporter leur concours à l’équilibre du monde ; et les États-Unis faisaient le nécessaire pour les conforter dans cette idée. Longtemps fidèles à une tradition de non-interférence dans les affaires européennes, les États-Unis ont fait preuve, aux premiers temps de la guerre froide, d’une sage réserve.
Un changement majeur s’est produit avec l’écroulement de l’Union soviétique. Les équilibres sur lesquels reposaient les structures du monde actuel se sont défaits. Les crises de l’Irak ont témoigné d’un superbe dédain des résolutions du Conseil de sécurité de la part des Américains et du non-respect des règles de la sécurité collective telles que l’ONU est censée les faire appliquer. Il en résulte une grave atteinte à l’ordre international. Autre victime de la guerre d’Irak : l’Alliance atlantique. Il semble qu’elle soit devenue un instrument dans les mains des Américains pour apporter une aide à leurs armées dans des conflits qui se déroulent au-delà des limites géographiques de l’Alliance. Enfin, l’Europe a été la troisième victime de la crise irakienne. Les États-désunis d’Europe n’ont pas été capables de faire passer le message ferme et vigoureux que l’on attendait d’eux. L’Union européenne n’a pas joué de rôle significatif dans le renforcement de la cohésion entre les pays d’Europe. L’élargissement s’est fait dans la hâte, sans finalité politique. La crise irakienne a révélé le profond clivage qui sépare non pas les pro-américains des antiaméricains, mais ceux qui ont choisi l’unification de l’Europe, afin de ressaisir leur destin, et ceux qui y ont renoncé.
Ce qui caractérise la conjoncture internationale d’aujourd’hui, c’est le passage d’un monde bipolaire américano-soviétique au monde unipolaire d’une Amérique hyperpuissante, dans lequel l’Europe n’a pas vraiment son mot à dire.
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