La Fondation Robert Schuman a publié en décembre 2007 le « Traité de Lisbonne expliqué en 10 fiches ». Les fiches 6 et 10, concernant l’espace de liberté, de sécurité et de justice ainsi que l’action extérieure de l’Union européenne, en sont extraites (www.robert-schuman.eu).
Le Traité de Lisbonne
Fiche 6
LE TRAITÉ DE LISBONNE ET L’ESPACE DE LIBERTÉ, DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE
Le grand espace de liberté de circulation des hommes, des marchandises et des capitaux que représente l’Union européenne, n’a pas été accompagné, depuis sa mise en place le 1er janvier 1993, par une coordination entre les différents systèmes judiciaires propres à chaque État membre.
Outre les problèmes quotidiens que cela pose (par exemple, en matière de garde partagée d’enfants suite à un divorce entre deux ressortissants communautaires habitant dans deux États membres différents), le défaut de coordination limitait l’action de l’Union européenne contre les réseaux de criminalité internationaux.
Le Traité de Lisbonne permet à l’Union de développer des actions et des politiques qui répondent aux attentes des citoyens en matière de sécurité et de justice.
Le renforcement des moyens d’action en matière de sécurité
Le Traité de Lisbonne renforce l’efficacité de la prise de décision pour ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice.
Dans ce domaine, le Conseil des ministres votera à la majorité qualifiée et le Parlement européen disposera d’un pouvoir de codécision.
Par exemple, la règle de la majorité qualifiée s’appliquera désormais au contrôle des frontières extérieures de l’Union ainsi qu’à l’asile.
L’Union pourra donc harmoniser ses règles concernant l’octroi de l’asile, ce qui permettra : de mettre un terme au système complexe de juxtaposition des règles diverses qui sont applicables dans les différents États membres de l’Union ; et de développer une politique commune en matière d’asile.
Le Traité prévoit la mise en place d’un « système intégré de gestion des frontières extérieures » et le renforcement des pouvoirs de « Frontex », l’Agence de surveillance des frontières de l’Union.
Le Traité renforce également les moyens de lutte de l’Union européenne contre l’immigration illégale et la traite des êtres humains. Là aussi, les décisions seront désormais prises à la majorité qualifiée en « codécision » avec le Parlement européen. Il s’agit d’une politique exercée en commun par l’Union et les États membres qui vise à définir les règles et les conditions d’immigration.
En matière pénale, l’adoption de règles minimales définissant les infractions et les sanctions pour un certain nombre de crimes transfrontaliers (terrorisme, trafic de drogue et d’armes, blanchiment d’argent, exploitation sexuelle des femmes, criminalité informatique, etc.) sera décidée par le Parlement européen et le Conseil des ministres à la majorité qualifiée.
En matière pénale, des garanties protègent les États qui estimeraient que leur système juridique serait mis en cause (voir infra les possibilités d’exemption).
Le Traité de Lisbonne reconnaît l’existence de l’Office européen de police (Europol), qui peut appuyer l’action des polices nationales dans la collecte et l’analyse des informations.
Cet embryon de police européenne peut aussi coordonner, organiser et même réaliser des enquêtes et des opérations conjointement avec des équipes de police nationales.
Les fondements d’une Europe de la justice
Les apports du Traité de Lisbonne
Le Traité de Lisbonne pose le principe d’une coopération accrue au niveau judiciaire en matière civile et pénale, à travers le principe de « reconnaissance mutuelle » (chaque système juridique reconnaît comme valables et applicables les décisions adoptées par les systèmes juridiques des autres États membres).
Ces nouvelles mesures portent notamment sur : la coopération en matière d’obtention des preuves ; l’accès effectif à la justice ; la coopération entre les autorités judiciaires des États membres dans le cadre des poursuites pénales et de l’exécution des décisions ; l’établissement des règles et procédures pour assurer la reconnaissance, dans l’ensemble de l’Union européenne, de toutes les formes de jugement et de décisions judiciaires.
Le Traité de Lisbonne ouvre également la possibilité de créer un Parquet européen.
Il sera compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs d’infractions, même si celles-ci sont limitées à celles portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne.
Le Conseil européen pourra cependant étendre la compétence du Parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transnationale (comme le terrorisme, la traite des êtres humains, le trafic de drogue, etc.) par une décision prise à l’unanimité.
Par ailleurs, et en attendant la mise en place d’un Parquet européen, Eurojust, actuellement doté de simples pouvoirs de coordination, pourra proposer le déclenchement des poursuites, qui dépend aujourd’hui des autorités nationales.
Eurojust
Institué en 2002, Eurojust est un organe de l’Union européenne chargé d’améliorer l’efficacité des autorités compétentes des États membres dans leur lutte contre les formes graves de criminalité organisée transfrontalière. Eurojust stimule et améliore la coordination des enquêtes et des poursuites et il soutient également les États membres pour renforcer l’efficacité de leurs enquêtes et de leurs poursuites.
Des possibilités d’exemptions facilitées
En matière pénale, le Traité de Lisbonne accompagne les innovations introduites de garanties données aux États membres pour assurer le respect des principes fondamentaux de leur système juridique dans ce domaine.
Certains États bénéficient de dérogations (« opting out »). C’est le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, pour la politique relative aux contrôles aux frontières extérieures, à l’asile, à l’immigration, à la coopération judiciaire en matière civile. En revanche, une possibilité leur est réservée d’adopter et d’appliquer, au cas par cas, les mesures européennes décidées dans ces domaines (« opting in »).
Toutefois, afin d’éviter tout blocage, le Traité de Lisbonne assouplit le recours aux « coopérations renforcées » pour permettre aux États qui le souhaitent de mettre en application la mesure en question.
Fiche 10
LE TRAITÉ DE LISBONNE ET L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’UNION EUROPÉENNE
Vers une représentation extérieure unique de l’Union européenne
Le Traité de Lisbonne comprend des innovations importantes en donnant à l’Union les moyens de développer la cohérence et l’unité de sa politique extérieure.
Les apports du Traité de Lisbonne
Le Traité de Lisbonne crée un poste de Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui fusionne les postes du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (M. Javier Solana actuellement) et du Commissaire européen chargé des relations extérieures (Mme Benita Ferrero-Waldner actuellement).
Il est l’un des vice-présidents de la Commission européenne et dépend également du Conseil.
Ses missions consistent à : représenter l’Union européenne à l’étranger ; présider le Conseil des affaires étrangères, qui réunit tous les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne.
Il dispose d’un service diplomatique européen.
Cela favorise le développement d’une politique extérieure commune ainsi que la cohérence et l’unité de l’action extérieure de l’Union européenne.
Vers un renforcement de l’influence internationale de l’Union européenne
L’absence actuelle de personnalité juridique de l’Union européenne représente une limite à sa capacité d’influence et à sa faculté de parler d’une seule voix sur la scène internationale.
Les apports du Traité de Lisbonne
Il octroie la « personnalité juridique » à l’Union européenne.
Cela lui permettra d’accroître son rôle sur la scène internationale et de promouvoir ses valeurs et ses intérêts, aussi bien dans les domaines du commerce extérieur, de la politique de développement et d’aide humanitaire que de la formation des normes internationales qui régulent la mondialisation.
Personnalité juridique
La personnalité juridique est la capacité de contracter, notamment d’être partie d’une convention internationale ou d’être membre d’une organisation internationale.
Vers une politique de défense européenne
Le Traité de Lisbonne comprend des avancées importantes en matière de « politique de sécurité et de défense commune » et constitue un pas essentiel vers le développement d’une défense européenne.
Les apports du Traité de Lisbonne
Il introduit une « clause de défense mutuelle ».
Si l’un des États membres de l’Union européenne fait l’objet d’une agression, les autres ont un devoir d’assistance à son égard.
Il introduit également une « clause de solidarité ».
Elle assigne à l’Union et à chaque État membre le devoir de porter assistance, par tous les moyens, à un État membre touché par une catastrophe d’origine humaine ou naturelle ou par une attaque terroriste.
Il étend aussi les possibilités d’actions de l’Union à la lutte contre le terrorisme, aux missions de prévention des conflits, aux missions de stabilisation postconflit, etc.
Il introduit la « coopération structurée permanente », ouverte aux États qui s’engageront à participer aux principaux programmes européens d’équipement militaire et à fournir des unités de combat immédiatement disponibles pour l’Union européenne.
Ces États seront ainsi en mesure de remplir les missions militaires les plus exigeantes pour le compte de l’Union européenne, en particulier pour répondre à des demandes des Nations unies.
Il consacre l’existence de l’Agence européenne de défense, dans la perspective de développer une réelle politique européenne de l’armement et de coordonner l’effort d’équipement des différentes armées nationales, ce qui constitue une innovation importante.
Le Traité de Lisbonne étend son champ d’activité aux questions industrielles et commerciales dans le domaine de l’armement. ♦