Depuis cinq ans, les économies occidentales sont confrontées à une augmentation des cours du pétrole. L’instabilité politique au Moyen-Orient, les mouvements sociaux au Nigeria, ou les nationalisations entreprises par Hugo Chavez alimentent la crainte d’une pénurie. Cette crise pétrolière est fréquemment présentée comme la conséquence du décollage industriel de la Chine et de l’Inde. Comme souvent en Europe, pour expliquer nos propres difficultés économiques, la Chine et dans une moindre mesure l’Inde font figure de « coupable idéal »; mais qu’en est-il réellement ?
Crise pétrolière : la Chine, coupable idéal
The oil crisis: China, the perfect scapegoat
The Western economies have been confronted with rising oil prices for the past five years. Political instability in the Middle East, social unrest in Nigeria and Hugo Chávez’s nationalisations all reinforce our dread of a shortage. This oil crisis is often presented as the consequence of the rapid industrialisation of India and China. As so often in Europe, we try to explain our own difficulties by transforming China (and to a lesser extent, India) into the perfect scapegoat; but what is the reality?
La hausse des cours du pétrole est devenue un sujet important du débat politique et l’une des préoccupations de nos concitoyens. Cette appréciation régulière du baril apparaît bien souvent comme irrationnelle. L’instabilité politique au Moyen-Orient et, notamment ces derniers mois, les tensions à la frontière entre la Turquie et l’Irak, l’incertitude quant à l’évolution de la crise avec l’Iran, les mouvements sociaux au Nigeria, et les nationalisations entreprises au Venezuela comme en Bolivie peuvent expliquer au moins partiellement, cette inflation. Ces réponses demeurent au fond bien superficielles. La crise pétrolière est fréquemment présentée comme la conséquence du décollage industriel de la Chine et de l’Inde. Comme souvent en Europe, pour expliquer nos propres difficultés économiques, ces pays font figure de « coupable idéal » ; mais qu’en est-il réellement ?
Les raisons de la hausse des cours
En premier lieu, le choc pétrolier larvé que nous subissons n’est pas comparable aux trois crises précédentes (lors de la guerre du Kippour en 1973, au moment de la révolution en Iran en 1979, et lors de la première guerre du Golfe en 1990), ni dans son ampleur ni dans ses raisons. Aujourd’hui, il s’agit non d’une crise de l’offre, mais d’un excès de demande. Pendant l’année 1974, au moment du premier choc pétrolier, la production mondiale de pétrole avait été réduite de 5 %. Or aujourd’hui, jamais la production n’a été aussi importante. Depuis 2000, elle a augmenté de 10 %, afin de suivre le rythme de la consommation mondiale (1). Ensuite, si les cours du pétrole semblent atteindre des sommets, ils arrivent à dollars constants, au niveau de ceux affichés lors du deuxième choc pétrolier : en janvier 1981, le baril de pétrole de brent s’établissait à 38,85 $, soit en monnaie constante, 102 $. Entre mars 2000 et mars 2008, le prix du baril de pétrole d’Arabie saoudite (l’Arab light) a été multiplié (2) par trois alors qu’entre octobre et décembre 1973, la correction avait été plus sévère, avec un cours multiplié par cinq ! Le poids du pétrole dans la consommation globale d’énergie s’est aussi réduit, permettant d’amortir plus facilement le choc.
Forte demande occidentale
À première vue, la hausse des cours du baril s’explique par la forte demande asiatique, puisque depuis 2000, la consommation en République populaire de Chine (RPC) a augmenté de 60 % et celle de l’Inde de 15 %. La Chine est désormais le 2e consommateur mondial de pétrole, après les États-Unis ; l’Inde se classe au 6e rang. Néanmoins cette explication d’une crise due à la demande asiatique n’est que partielle. Si la presse se complaît à décrire la Chine comme un « glouton », la réalité est différente. La consommation de pétrole demeure très faible comparée à celle des pays occidentaux, particulièrement les États-Unis. Rapportée au nombre d’habitants, celle d’un Chinois est douze fois plus faible que celle d’un Américain, et près de six fois plus faible que celle d’un Français. La consommation d’un État comme la Californie, représente 70 % de celle de l’Inde ; et celle des 22 millions d’habitants du Texas est la moitié de celle de la Chine. De surcroît, la part du pétrole dans sa consommation totale d’énergie n’est que de 20 % contre 40 % aux États-Unis. La raison est qu’en Chine, le pétrole est surtout utilisé pour être raffiné en essence, et ne sert que de manière limitée en fuel. Il est à relever également que le parc automobile chinois est plutôt récent, la plupart des véhicules en circulation consomment donc moins de carburant qu’aux États-Unis. Enfin la croissance chinoise de 11,4 % en 2007, souvent jugée responsable de cet appétit énergétique, doit être évaluée en valeur absolue : de l’ordre de 300 Md$, chiffres comparables à la croissance du PNB des États-Unis.
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