La question nucléaire iranienne, considérée par la plupart des analystes comme l’une des plus importantes qu’ait à affronter la communauté internationale, continue à donner jour à de nombreux ouvrages. Tous décrivent la genèse et les principales étapes du programme iranien. Un large consensus se dégage, sur le fait que si Téhéran venait à accéder à la bombe, c’est tout l’édifice de la non-prolifération qui viendrait à s’écrouler, avec toutes les conséquences négatives qu’il paraît aisé d’imaginer. Bien des auteurs, comme Éric Laurent, Bruno Tertrais et François Heisbourg, passent également en revue les préparatifs militaires américains, comme israéliens, susceptibles le cas échéant d’aboutir à un bombardement massif des installations nucléaires iraniennes. Pourtant, aucun auteur ne se résout facilement à la montée aux extrêmes et tous semblent croire encore au succès de la diplomatie ou tout simplement au départ du président Mahmoud Ahmadinejad de la scène politique en 2009, hypothèse carrément évoquée par Alain Cordier.
Parmi les livres - L'Iran, la bombe et les mondes chiites
La crise iranienne, résume fort bien Bruno Tertrais (1), est l’enjeu géopolitique central de notre temps. « Elle conjugue tous les grands problèmes contemporains : l’islamisme radical, la réémergence politique du chiisme, et le terrorisme révolutionnaire ; les guerres d’Irak et d’Afghanistan ; le conflit israélo-palestinien, l’évolution de la Syrie et du Liban ; la prolifération nucléaire, la dissuasion et les défenses antimissiles ; la dépendance des pays occidentaux en hydrocarbures et le développement de l’énergie nucléaire dans le monde ». François Heisbourg (2), ne dit pas autre chose lorsque, en pesant ses mots et force arguments à l’appui, il estime que « La paix et la guerre nucléaires dans le monde dépendent des ambitions nucléaires iraniennes ». Si l’Iran acquiert des armes nucléaires, la possession de la « bombe » deviendra la règle et non l’exception, au Moyen-Orient et à l’échelle de la planète, avec en perspective, tôt ou tard, un conflit atomique ; à l’inverse, il y aura une chance que notre planète échappe à la prolifération généralisée des armes atomiques. La bombe iranienne est potentiellement plus dangereuse que celle d’Israël, du Pakistan et de l’Inde, car contrairement à ces trois pays, l’Iran est signataire du TNP, dont il apparaît un des piliers. Si l’Iran venait donc à franchir le seuil nucléaire c’est tout l’édifice de non-prolifération qui viendrait à s’écrouler avec les conséquences dramatiques que l’on peut supposer. Il en est aussi du nucléaire, comme des autres matières, un changement de quantité débouche sur une transformation qualitative. Au Moyen-Orient, le basculement de l’Iran provoquerait une course au nucléaire, notamment dans le monde arabophone et turcophone.
Bien des ouvrages, ces cinq dernières années, ont été consacrés au dossier nucléaire iranien que chacun examine à sa façon. Il s’en dégage une vision assez largement partagée de la centralité de cette question nucléaire iranienne sur la scène internationale ; de son urgence aussi, car le délai dont la communauté internationale dispose pour la régler est de tout juste un an ; enfin il semble que peu d’options soient imaginables, entre les deux extrêmes, la bombe et le bombardement, mais que le dialogue, assorti de sanctions réelles, devrait être maintenu jusqu’au bout. La plupart des livres aussi décrivent, plus ou moins dans le détail, le développement du programme nucléaire iranien dont la genèse remonte, on le sait, à l’accord conclu avec les États-Unis dès 1957 (3).
Grand reporter, Éric Laurent poursuit avec son dernier livre, dans la lignée de ses ouvrages précédents qui lui ont valu un large succès (4). À l’aide d’une série d’entretiens, de portraits, de scènes vécues ou rapportées il a le talent de mettre son lecteur dans le secret. En vérité, la « guerre » que mènent les États-Unis contre l’Iran remonte à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays en 1979. Washington a développé une série de griefs à l’égard du premier des pays figurant sur l’axe du mal : il n’aurait jamais cessé de vouloir se procurer, par tous les moyens, des armes de destruction massive ; son soutien au terrorisme international a été constant, et ses actes ont été perpétrés non seulement au Liban, en Arabie saoudite, mais en maints endroits de la planète, comme contre la communauté juive de Buenos Aires. L’opposition de Téhéran au processus de paix au Proche-Orient, ne s’est jamais démentie. Que dire aussi de ses constantes violations des droits de l’homme, de sa fatwa contre Salman Rushdie. Pourquoi donc Mahmud Ahmadinejad s’est-il rendu trois fois à Caracas ! Téhéran contrôle au surplus le pouvoir à Bagdad. D’où la politique d’endiguement de l’Iran mise en œuvre par la Maison-Blanche qu’Éric Laurent décrit de manière si vivante et concrète. Il analyse les différents scénarios d’attaque, préparés dans les War rooms du Pentagone, décrit les missiles nucléaires miniaturisés susceptibles d’être utilisés. Actions des forces spéciales américaines dans les zones périphériques (Kurdistan, Baloutchistan, Azerbaïdjan), présence de commandos israéliens, tout est décrit et passé au peigne fin. Quant au régime iranien, il a anticipé la situation en fermant, dès 2006, tous ses comptes ouverts dans les banques européennes. Il tente, par ailleurs, de stabiliser la situation intérieure en utilisant largement la manne pétrolière, 55 puis 70 Md$, blocage des prix alimentaires, des produits énergétiques largement subventionnés…
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