Le plus grand sommet de l’Otan s’est tenu à Bucarest en avril 2008. À l’occasion de son discours d’ouverture, le président Bush a rappelé que l’entrée de l’Ukraine et de la Géorgie dans l’Otan était une priorité de Washington. Par une action conjointe franco-allemande concertée avec Moscou, Kiev et Tbilissi se sont pourtant vus refuser le statut de candidat officiel. Il s’agit là d’un événement historique illustrant le déclin géopolitique relatif des États-Unis.
Sommet de l'Otan de Bucarest : Europe/États-Unis
NATO's Bucharest summit: Europe/United States
NATO’s biggest summit was held in Bucharest in April 2008. In his opening address, President Bush said that NATO membership for Georgia and Ukraine was a priority for Washington. But following a Franco-German move, in consultation with Moscow, Tbilisi and Kiev were denied official candidate status, a historic event illustrating America’s relative geopolitical decline.
Pour la première fois depuis la création de l’Otan, les États-Unis ont été mis en échec sur un objectif prioritaire qu’ils s’étaient fixé : en l’occurrence l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine. Il s’agit là du fait le plus marquant du Sommet de Bucarest, ce que l’histoire devrait retenir comme un échec historique, curieusement ignoré de la plupart des commentaires médiatiques. Ce Sommet peut être ainsi considéré comme le révélateur d’une tension accrue entre les États-Unis et la Russie, accompagnée de nouvelles divisions européennes paralysant la marge de manœuvre de l’Union. L’UE est bloquée par une nouvelle crise Est-Ouest dont la manifestation la plus aiguë est constituée par la récente reconnaissance russe de l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.
Les priorités du plus grand sommet de l’histoire de l’Otan : élargissement et Afghanistan
Les Roumains furent fiers d’accueillir du 2 au 4 avril 2008 « le plus grand Sommet de l’histoire de l’Otan à Bucarest (…), pas moins de 3 000 hauts délégués, 3 500 journalistes et environ 7 000 militaires (…) (1). En plus des 26 États membres de l’Alliance, les 23 pays qui font partie du Partenariat pour la Paix y ont en effet participé, ainsi que les donateurs financiers internationaux comme le Japon et les dirigeants de l’UE et de l’ONU. Le président russe était également présent, il s’agit là de la première participation concrète russe à un Sommet officiel de l’Otan. Celui-ci avait pour objectifs l’élargissement et l’Afghanistan. Les États-Unis voulaient en premier lieu obtenir le statut de candidat officiel pour l’Ukraine et la Géorgie, c’est-à-dire la participation de ces deux pays au plan d’action pour l’adhésion à l’alliance (MAP) (2). Ce processus dure en général quatre ans, deux ans pour remplir les exigences du MAP et deux ans pour que l’alliance invite ensuite officiellement à être admis dans l’organisation. Les adhésions de l’Arym (Macédoine), de l’Albanie, et de la Croatie étaient aussi inscrites à l’ordre du jour. La Croatie et l’Albanie sont invitées à rejoindre l’Otan d’ici environ un an, mais la Grèce s’oppose à l’adhésion de la Macédoine tant que cette dernière ne changera pas de nom.
Habituellement les États-Unis « préparaient » leurs alliés aux décisions qu’ils souhaitaient prendre deux à trois mois avant les sommets. Dans le cas de celui de Bucarest, neuf mois avant sa tenue, le secrétaire d’État américain à la défense, Robert Gates, avait envoyé une lettre ouverte à l’Allemagne dans laquelle il reprochait à Berlin de stationner ses troupes dans le Nord de l’Afghanistan alors qu’États-uniens et Britanniques se font tuer dans les zones de conflits du Sud du pays. Comme nous le verrons, les deux priorités du Sommet de Bucarest, élargissement et Afghanistan sont ici liées par l’Allemagne qui va jouer un rôle clé dans le refus d’accorder le statut de candidat à l’Ukraine et à la Géorgie, décision déjà arrêtée un mois avant le Sommet durant la réunion de préparation du 6 mars 2008. Un rapport du Congrès américain publié peu avant le Sommet commençait à préparer l’opinion à l’échec : « Tout porte à croire que les alliés européens concentreront leurs efforts, pendant cette période, sur l’amélioration de leurs relations avec la Russie (…) Certains alliés estiment notamment qu’il est nécessaire tout d’abord de renforcer la sécurité énergétique avant de délivrer des invitations d’adhésion à l’alliance à de nouveaux candidats ».
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