Les relations avec l’ONU sont dans la politique déclaratoire de l’UE présentées comme un « partenariat naturel », voire comme s’inscrivant dans le cadre de la « valeur ajoutée » que l’UE pourrait apporter à l’ONU. Pourtant, la réalité est plus complexe. Une analyse plus approfondie permet de mettre en évidence que le discours onusien se retrouve dans la « gestion de crise européenne », principalement dans son volet militaire. Il apparaît alors que la légitimation de « l’Europe de la défense » a largement bénéficié de l’effet d’entraînement onusien dans un contexte dans lequel mettre en place un outil militaire n’allait pas de soi — relevant même du tabou — au sein de l’architecture de sécurité européenne. Cela amène à s’interroger sur la nature de « l’Europe de la défense » en construction.
L'Europe de la défense et l'ONU
Europe's defence dimension and the UN
In the EU’s declaratory policy, the EU-UN relationship is presented as a ‘natural partnership’, as a part of the ‘added value’ that the EU brings to the UN. However, the reality is more complex. Closer analysis reveals UN rhetoric in ‘European crisis management’, mainly in its military aspects. It would therefore appear that the legitimising of Europe’s defence dimension has in large part benefited from UN impetus in a context where the use of military force was not taken for granted—was even something of a taboo subject—within the architecture of European security. This leads us to question the nature of Europe’s emerging defence dimension.
Les rapports entre l’UE et l’ONU, en matière de sécurité collective, sont au cœur d’un paradoxe de la construction européenne présent depuis la déclaration Schuman en 1950, à savoir celui d’une entreprise à caractère universel mais avec une application régionale. En effet, ce document fondateur de la construction européenne établit clairement un lien entre une Europe unie et la sauvegarde de la paix mondiale. Transposé plus de cinquante ans plus tard, résonne en ce propos l’idée selon laquelle les problèmes de notre monde post-bipolaire sont transnationaux et complexes, et donc doivent se résoudre de manière multilatérale et globale.
En dehors d’une pertinence certaine, ce lien comporte également le mérite de relativiser la distinction entre sécurité régionale et globale. Ainsi, la sécurité et la prospérité des citoyens européens se jouent bien au-delà du territoire de l’Union et même de son voisinage. En conséquence, le développement de capacités européennes en matière de sécurité n’est plus limité par leur caractère régional. C’est pourquoi, le chapitre VIII de la Charte des Nations unies, consacré à la collaboration avec les organisations régionales, outre son caractère extrêmement vague, n’est d’aucune aide dans le récent approfondissement des rapports entre l’ONU et l’UE dans de nombreux domaines, y compris celui des opérations de maintien de la paix ou selon la terminologie européenne, de « gestion des crises ». Ceux-ci se sont mis en place par à-coups sous l’impulsion d’abord de la Commission européenne puis du Secrétariat général du Conseil de l’UE (SGC), à partir de 2000, selon les opportunités institutionnelles et bureaucratiques du moment.
Ces relations avec l’ONU sont dans la politique déclaratoire de l’UE présentées comme un « partenariat naturel », voire comme s’inscrivant dans le cadre de la « valeur ajoutée » que l’UE pourrait apporter à l’ONU. Pourtant, comme nous le verrons, la réalité est plus complexe. En effet, une analyse plus approfondie permet de mettre en évidence que le discours onusien se retrouve dans celui de la « gestion de crise européenne », principalement dans son volet militaire, par le SGC. Il apparaît alors que la légitimation de « l’Europe de la défense » a largement bénéficié de l’effet d’entraînement onusien dans un contexte dans lequel mettre en place un outil militaire n’allait pas de soi — relevant même du tabou — au sein de l’architecture de sécurité européenne. Cela amène à s’interroger sur la nature de « l’Europe de la défense » en construction.
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