Le Traité de Westphalie (1648) a défini les relations entre États dans le respect mutuel de leur souveraineté. Depuis une dizaine d’années, on impose au souverain l’obligation de protéger sa population ; concept qui reste encore assez vague et juridiquement imprécis. Si cette « responsabilité de protéger » n’est pas assurée par le souverain, ce sera le droit et le devoir de la communauté internationale de s’en charger ; précisément l’ONU, qui est le garant légitime de la paix et de la sécurité internationale. Cependant, pour des raisons diverses, l’ONU n’est pas toujours apte à assurer cette responsabilité. Qui doit alors agir à sa place pour éviter la perte massive de vies humaines ? L’UE n’est-elle pas bien placée pour le faire ?
Protéger la population : droit et devoir
Protecting the population: right and responsability
The Treaty of Westphalia (1648) defined relationships between states in mutual respect of their sovereignty. For some ten years, the duty to protect his people has been imposed on the sovereign; a concept that is still somewhat vague and legally imprecise. If this ‘duty to protect’ is not assured by the sovereign power, it is the international community’s right and duty to assume the responsibility; specifically the United Nations, which is the legitimate guarantor of peace and international security. However, for various reasons, the UN is not always capable of assuming this responsibility. Who, then, should act in its place to avoid massive loss of life? Is the EU in a position to do so?
Depuis la décision prise par l’Otan de recourir à la force contre la République fédérale de Yougoslavie, sans l’autorisation du Conseil de sécurité, et depuis l’invasion illicite des troupes américaines en Irak et leur présente occupation du territoire irakien, les Nations unies ainsi que les institutions multilatérales subissent un fort affaiblissement de leur influence. Pourtant, le bon fonctionnement du multilatéralisme est indispensable à la sécurité internationale et au maintien de l’équilibre du monde multipolaire actuel. La Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) devra faire sa « place au soleil » pour pouvoir préserver les générations futures du fléau de la guerre, lutter contre la violation des droits fondamentaux de l’homme et contre l’injustice, afin de garantir la sécurité et la paix internationale. Une controverse concernant la protection de la population et des droits de l’homme a mené à l’élaboration d’un nouveau concept de protection qui pourrait inclure, dans des cas extrêmes, un droit « d’ingérence humanitaire » de la communauté internationale. Quel est donc ce concept maintenant totalement intégré dans la structure française depuis la parution du Livre blanc (1) ? Comment l’appliquer correctement et quel rôle pourrait jouer la PESD qui est fortement rattachée aux structures de l’Otan ?
La Responsabilité de protéger la population
Le concept de la « responsabilité de protéger la population » est lancé par le rapport de la Commission internationale d’intervention et de la souveraineté des États (CIISE) (2). Cette Commission, indépendante mais fortement soutenue par le gouvernement canadien, a été mise en place (avec un mandat d’un an) pour relever le défi que le Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a lancé en septembre 2000 à la communauté internationale : chercher des réponses aux dilemmes que posent les crises humanitaires face au principe de l’inviolabilité de la souveraineté des États (3). Pour cela, la commission internationale a publié en 2001 le concept de « responsabilité de protéger ». Il repose sur l’idée que tout État souverain a le devoir de protéger ses citoyens dans le respect des droits de l’homme ; qu’il a une responsabilité envers sa propre population. Si un État ne respecte pas cette obligation ou n’en semble pas capable, la communauté internationale devra en assumer la responsabilité à sa place pour maintenir la paix et la sécurité. La notion d’« intervention humanitaire », qui peut inclure une forme d’ingérence, fut ainsi changée en « responsabilité de protéger », un terme qui semble être moins contentieux, plaçant la protection de la population devant les intérêts politiques. Les interventions pour des raisons purement humanitaires, telle que la fourniture de nourriture, de médicaments et d’autres équipements sanitaires ont été reconnues par le droit coutumier (4).
Au-delà de l’opposition entre intervention et souveraineté, ce nouveau paradigme qui exprime clairement que la réponse contre les atrocités massives consiste non seulement dans l’obligation de réagir, mais aussi dans l’engagement continu de prévenir un conflit et de reconstruire après l’événement. La CIISE affirme expressément que « le Conseil de sécurité devrait être le premier interlocuteur pour tout ce qui a trait à l’intervention militaire à des fins de protection humaine ». Elle insiste encore sur le fait que la responsabilité de protéger pourrait également être assumée par l’Assemblée générale, des organisations régionales ou des organisations collectives, si le Conseil de sécurité n’intervenait pas ou réagissait trop tard.
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