Les méthodes et les moyens de la recherche technologique, qui sont pour nous ce que Diderot appelait « géométrie intellectuelle » dans l’article ART de la Grande Encyclopédie, ont pris de nos jours l’importance que le philosophe leur attribuait, voulant que les sciences humaines s’ouvrent aux problèmes des arts techniques. « C’est à la géométrie expérimentale et manouvrière de plusieurs siècles, aidée de la géométrie intellectuelle la plus déliée, à donner une solution approchée de ces problèmes », écrivait-il en y mettant la géométrie à contribution sous toutes les espèces ; « et je suis convaincu qu’il est impossible d’obtenir quelque chose de satisfaisant là-dessus de ces géométries séparées, et très difficile, de ces géométries réunies ».

La difficulté consiste effectivement à produire un composé à partir de l’invention et du savoir-faire technique, sur un lit d’argent aussi mince que possible (je ne crois pas trahir la pensée de Diderot en appelant maintenant savoir-faire technique la « géométrie expérimentale et manouvrière de plusieurs siècles »).

« Que l’artiste y soit pour la main-d’œuvre, l’académicien pour les lumières et les conseils, et l’homme opulent pour le prix des matières, des peines et du temps », écrivait-il encore, annonçant une triade qui nous est familière, dont on peut bien admettre qu’il partage le mérite. Les gestionnaires de la recherche au Japon se basent sur elle comme nous, et si l’on fait la part de quelques exceptions, fort voyantes à vrai dire, l’analyse des moyens qu’ils consacrent à la recherche technologique — notamment dans le cas des grands programmes qui sont l’objet de cet article — indique que leurs méthodes suivent le schéma tracé depuis l’époque classique, en tout cas qu’elles sont rationnelles pour ce qu’ils se proposent de découvrir.