Les changements immenses qui se sont produits sur la scène internationale devaient inévitablement avoir d’importantes conséquences sur le développement des industries d’armement. Trois données essentielles y contribuent surtout : la fin de la guerre froide porte de nombreux États à réduire leur effort militaire, quitte à remettre en cause, au moins partiellement, des programmes importants ; la mise en question ou la révision des stratégies adoptées jusque-là fait hésiter sur le choix des armements dont il faut se doter dès maintenant, plus tard, ou jamais ; le règlement de plusieurs conflits locaux et le souci des grandes puissances de ne pas alimenter les crises régionales où elles pourraient être impliquées l’une contre l’autre ou plus qu’elles ne le voudraient, vont réduire encore les débouchés de leurs industries d’armement.

D’autres facteurs s’y ajoutent : la pauvreté d’un grand nombre d’États, surtout en Afrique et en Amérique latine, qui leur impose d’abandonner ou de limiter leurs achats d’armes, réduisant d’autant les marchés qu’ils constituaient ; les mutations technologiques et le perfectionnement croissant des armes qui alourdissent le coût des investissements, réduisent les séries et donc augmentent le prix unitaire des matériels.

Il était prévisible, dans ces conditions, que les industries d’armement traverseraient une crise profonde. Celle-ci atteint maintenant l’industrie française comme les autres, les événements du Proche-Orient n’ayant pour effet que de la retarder dans certains secteurs, de l’accélérer et de l’aggraver dans d’autres.

Pour la défense nationale, c’est désormais un problème majeur, en France comme ailleurs. Nous en parlerons donc dans cette revue. Et, pour commencer, nous y consacrons dans ce numéro plusieurs articles, dont les uns traitent des dimensions économiques de la crise actuelle — les difficultés et les succès des exportations françaises d’armement dans les régions les plus sensibles, les conséquences industrielles du désarmement — et dont les autres évoquent les problèmes soulevés par les novations technologiques qui conditionnent l’évolution des industries d’armement. Par la suite, nous reviendrons sur les dimensions internationales de la crise qu’elles traversent, sur les solutions qui s’ouvrent pour leur recon­version ou la transformation de leurs structures : ce sera, de toute façon, l’une des préoccupations constantes de ceux qui, comme nous le faisons ici, se soucient de l’avenir de la défense. ♦