Lorsque l’on parle de condition militaire, cela sous-entend qu’il existe une catégorie de personnes, une collectivité, qui dispose d’une manière d’être, d’un état social, suffisamment caractérisés pour être identifiables et opposés à ceux des autres concitoyens. Il existerait ainsi des faits qui permettraient de décrire puis de situer une forme de vie particulière. La notion de condition militaire repose sur des fondements juridiques, idéologiques, sociologiques et économiques. Le temps imparti pour faire cet exposé m’impose de limiter mon propos à l’examen des aspects économiques et sociologiques pour décrire les conditions de vie des militaires, en excluant l’étude du personnel appelé. Ce qui est en jeu dans le champ ainsi délimité, c’est la sensibilité des armées à l’évolution de la société environnante et aux contraintes que celle-ci suscite.

En premier lieu, il s’agit d’une contrainte budgétaire. Dans le contexte d’une priorité décroissante pour l’allocation des ressources à la défense (liée à la nouvelle situation internationale mais également aux difficultés rencontrées par l’économie nationale) et devant la hausse rapide du coût des matériels, la part revenant aux hommes risque d’être plus mesurée. En second lieu, il s’agit d’une contrainte liée à l’évolution d’une façon de vivre, centrée sur la vie individuelle ou, au mieux, sur la famille « nucléaire » (parents et enfants) et marquée par la recherche d’une réduction des entraves à la vie privée.

La profession militaire oppose du fait de la mission de défense : une disponibilité au quotidien qui prend toute sa signification en situation de crise ou de tension internationale ; une discipline, toujours nécessaire même si elle se trouve tempérée par l’actuel règlement ; une mobilité géographique et professionnelle élevée ; une exigence de jeunesse supposée procurer la meilleure efficacité possible pour le service des armes. Toute la question est de savoir dans quelle mesure ces impératifs professionnels créent des formes d’existence qui entraînent des conditions de vie plus difficiles au regard de celles des concitoyens civils appartenant à des professions et des catégories sociales équivalentes.