La mutation de la Tanzanie pourrait avoir des conséquences importantes en raison de la place particulière qu'occupe ce pays sur l'échiquier régional. L'auteur, spécialiste des questions africaines, s'est rendu à plusieurs reprises dans cette zone, notamment pour y mener des recherches universitaires. Il nous livre ici une analyse historique, politique et économique de cette nation en quête d'un nouveau souffle.
Inquiétudes et espoirs en Tanzanie
La Tanzanie a souvent été considérée par les analystes des questions africaines comme une nation « à part ». Caractérisé par une stabilité politique pendant plus de deux décennies et une certaine influence régionale, cet État riverain de l’océan Indien reste aussi l’un des symboles des grands échecs économiques. L’alternance du pouvoir en 1985 et l’effondrement des idéologies de type soviétique ont permis la mise en route d’un lent processus de réformes qui pourrait modifier sensiblement le paysage géopolitique de cette zone incertaine, mais pourvue d’atouts non négligeables.
UNE ÉCONOMIE SACRIFIÉE SUR L’AUTEL DE L’IDÉOLOGIE
Le long parcours de Julius Nyerere
D’abord colonie allemande à partir de 1885, le Tanganyika est placé sous mandat britannique par la Société des Nations à la fin de la Première Guerre mondiale. Celui-ci est renouvelé par l’Onu en 1946. En 1953, un instituteur venu à la politique, Julius Nyerere, surnommé le mwalimu (le maître d’école en swahili), prend la tête de l’Association africaine du Tanganyika qu’il transforme en véritable mouvement nationaliste sous le nom de Tanu (Tanganyika National Union). Œuvrant pour l’unité de son pays, ce brillant orateur devient rapidement un leader charismatique. Sous son impulsion, l’indépendance du Tanganyika est proclamée le 8 décembre 1961. Trois ans plus tard, un accord est aménagé avec Zanzibar. Le 29 octobre 1964, l’union de ces deux États donne naissance à la république unie de Tanzanie. Nyerere en devient le président. Il sera constamment réélu à la tête du pays jusqu’en 1985, date à laquelle il passe le relais à Ali Hassan Mwinyi, d’origine zanzibarite.
Cette stabilité politique n’est pas seulement due à la très forte personnalité du mwalimu ; elle est aussi le fait de la mainmise du parti unique CCM (Chama Cha Mapinduzi, Parti de la révolution fondé par Nyerere) sur toutes les structures du territoire. En 1967, le chef de l’État tanzanien élabore la fameuse déclaration d’Arusha qui aura une portée internationale. Dans cette charte du socialisme tanzanien, le président Nyerere prétend allier les théories marxistes à des concepts de la tradition familiale africaine. Son penchant pour le développement communautaire conduira les dirigeants de Dar es-Salaam à regrouper treize millions de paysans dans huit mille trois cents villages appelés ujamaas. Cette vision idéologique sera de nature à créer des liens avec l’URSS et la Chine (l’armée tanzanienne est essentiellement équipée de matériels russes et chinois).
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