Parmi les livres - La Russie et ses proches voisins : entre passé et avenir
Le 80e anniversaire de la révolution d’Octobre, la polémique suscitée par la publication du Livre noir du communisme montrent qu’au-delà des interrogations sur la période de transition actuelle, ainsi que des rapports entre la Russie et son « étranger proche », c’est toujours le passé russe et soviétique qui domine la scène éditoriale.
Passé russe, passé soviétique
Russie, ce nom recouvre en français deux réalités historiques distinctes, désignées en russe : Rous et Rossia. Rous s’applique aux terres du Sud (Kiev) et désigne la période (celle de la Russie ancienne) comprise entre le IXe et le XVIIe siècle, Rossia à l’ensemble des terres russes (Zemlia Rousskaia, pays russe), puis à la période ultérieure ouverte par Pierre le Grand. Cette Russie ancienne est présentée de manière fort claire par Tamara Kondratieva, maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales (1). Que l’on juge du chemin qui restait alors à parcourir : le silence était érigé en vertu, le rire, considéré pendant des siècles comme un péché, n’obtint une première réhabilitation que pendant les années 1680, les premiers livres de divertissement apparaissaient traduits du polonais... Éternel retard russe.
« Les rapports économiques entre la Russie et l’Europe occidentale », écrivait, en février 1899, le ministre des Finances Witte, dans un rapport secret à Nicolas II, « sont analogues à ceux des pays coloniaux avec leurs métropoles : ces dernières considèrent leurs colonies comme un marché lucratif où elles peuvent puiser d’autorité les matières premières qui leur sont indispensables... Cependant, il existe une différence radicale par rapport à la situation des colonies : la Russie est une grande puissance politiquement indépendante ; elle a le droit et la force à la fois de ne pas être tributaire éternelle des États plus développés économiquement... Elle a un pouvoir ferme et fier, qui préserve jalousement l’indépendance non seulement politique, mais aussi économique de l’empire, elle désire elle-même être une métropole ». Jean-Louis van Regemorter, professeur de civilisation russe à l’université Paris IV, commence par ce texte essentiel son histoire de la Russie au cours du XXe siècle (2). Reprenant dans sa première partie le titre même de l’ouvrage de G. Sokoloff (La puissance pauvre), il présente en ces termes la situation : lutte contre le sous-développement, divorce entre État et société, statut ambigu en Europe, ambitions plus fortes que les moyens (3).
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