En 1974, paraissait aux États-Unis les traductions, faites par les soins de l'US Air Force, de trois ouvrages publiés peu auparavant à Moscou : Marxism-Leninism on War and Army par un groupe d'officiers ; The Basic Principles of Operationnal Art and Tactics par le colonel V.Ye. Savkin ; et Scientific-Technical Progress and the Révolution in Military Affairs par le colonel-général N.A. Lomov. En maints endroits, ces ouvrages mettent l'accent essentiellement, non pas sur la dissuasion, mais sur la guerre nucléaire effective à laquelle le commandement et les unités des forces soviétiques doivent être aptes et prêts à tout moment et sur la nécessité de mener tous les exercices avec le maximum de réalisme dans ce cadre nucléaire : rapidité pour devancer les frappes ennemies, mobilité, reconnaissances radio-métriques systématiques, port des effets spéciaux, etc. D'où la question : jusqu'à quel point la dissuasion a-t-elle prise sur les inspirateurs de la pensée militaire soviétique ? Cette question, un Américain se l'est posée récemment, le professeur Richard Pipes, dans un article qui devrait nous donner à réfléchir. L’auteur a analysé cet article et l'a rapproché de divers écrits soviétiques : il ne lui semble pas que la logique nucléaire soit identique à l'Est et à l'Ouest.
De ce déphasage de deux types de pensée militaire – qui n 'est pas sans incidence sur la réalité quotidienne et notamment sur l'état d'esprit des officiers et l'entraînement des unités – pourrait naître une déstabilisation dangereuse et un affadissement du pouvoir de dissuasion un peu trop facilement admis à l'Ouest. La crédibilité d'une force nucléaire repose sur l’efficacité de ses armes mais aussi sur la démonstration de la détermination et du courage de ceux qui sont appelés à la mettre en œuvre.