La chute du régime de Ben Ali a marqué le déclenchement d’un processus historique de transformations structurelles du monde arabe. Certains ont décrit ces mouvements arabes comme des soulèvements de protestation, des révolutions ou des révoltes, des crispations qui ont déraillé dans la violence. Si surprise il y a eu en fait, c’est plus au niveau du calendrier que du changement car tous les indicateurs du monde arabe – rappelons-nous les différents rapports du PNUD ⁽¹⁾ sur le développement humain dans le monde arabe – allaient dans le sens de l’explosion générale mais à des degrés différents.

Une des grandes spécificités de l’ordre régional arabe qui a fonctionné comme moteur, comme « effet papillon » dans la propagation de ces soulèvements, est la solidarité sociologique du monde arabe, le sentiment de partager une identité commune qui traverse les frontières nationales mais sans contradiction avec l’identité nationale. Cette solidarité s’exprime par un pan-nationalisme, arabe ou islamique ou un mélange des deux, qui constitue une force intégratrice, motrice et structurante de l’agenda des opinions publiques, indépendamment des idéologies qui expriment ces identités. L’ordre régional arabe obéit en fait à une logique des vases communicants. C’est cette solidarité sociologique qui a permis la multiplication des soulèvements, l’effet de démonstration et une plus grande solidarité politique au-delà des frontières nationales. Cela dit, il faut en même temps souligner l’importance des spécificités nationales, qu’elles soient sociétales, géopolitiques ou qu’elles se rapportent au degré du développement institutionnel de chaque pays ; ces spécificités pèsent lourdement sur les facteurs de changement, leur ampleur et même leur direction et leurs résultats.