« Être compétent, c’est se tromper selon les règles ». Paul Valéry

Hommes sans doute de peu de foi en leurs innovations, nos ingénieurs nous annonçaient on ne sait quels bogues pour le passage à l’an 2000 : nous n’aurons subi que la colère d’Éole. La Commission de Bruxelles nous autorise donc à utiliser ses fonds structurels en faveur des zones sinistrées, sans pour autant dégager de nouveaux crédits. L’essentiel n’est sans doute pas là. Si les techniciens de l’informatique doutaient de la capacité de nos ordinateurs à sauter l’obstacle du millénaire, nos écologistes se méfient encore davantage des prouesses de nos techniques. À leurs yeux, cette mémorable tempête est due à l’effet de serre dont seraient responsables les automédons que nous sommes tous. Haroun Tazieff eut beau avancer un jour que les émanations des volcans de la planète avaient une nuisance bien plus grande que toutes nos industries, rien n’y fait. L’affaire est entendue selon la mode du jour !

Une tornade exemplaire en Toscane

Il est curieux qu’aucun chroniqueur n’ait, en la circonstance, relu la XXXIV^e histoire florentine de Machiavel. Il y est question d’une tornade sans précédent en Toscane, le 24 août 1456. L’imagination avait peine à calculer tous les désastres causés, nous affirme-t-il. Bien avant lui, Tacite (Annales XVI-13) rapporte comment la Campanie fut dévastée de même sorte. Convient-il de voir dans ces événements peu courants l’effet de serre ? Pour sa part, Machiavel, plus attentif aux intersignes qu’à l’écologie, tire de ces phénomènes une morale convenant à ses théories. Certes la conclusion est théologique par convenance, mais le fait que cette histoire s’insère dans son récit entre l’échec des Turcs devant Belgrade et l’appel de Gênes à la France pour contrer les menées du roi Alphonse II de Naples, nous autorise à y voir un avertissement contre les dangers surgissant de loin comme la tornade. Machiavel est féru de pareilles imbrications dissimulées que le lecteur doit décrypter. À notre époque de pure propagande, nous avons oublié la finesse de tels procédés de communication, comme nous oublions la complexité des phénomènes naturels.