Immobilisme des doctrines et progrès des armements
Képis et pantalons rouges, fusils à répétition et baïonnettes, canons de 75 traînés au galop de leurs six chevaux, taxis de Dion-Bouton de Gallieni, appartiennent désormais à un décor héroïque qui nous paraît aussi périmé que celui des très vieilles batailles de l’Empire, de la Royauté et du Moyen Âge. N’est-il alors pas absurde d’essayer de tirer d’expériences de batailles, comme la Marne et celles qui l’ont suivie, des leçons applicables à la guerre atomique et thermonucléaire ?
Bien sûr, si l’on parle de leçons directement utilisables dans la préparation ou l’exécution des opérations et des combats. Les changements survenus dans les moyens de guerre sont tels que rien des procédés de 1914 ou de 1918 ne peut plus avoir aucun intérêt maintenant. Ils n’en avaient déjà plus — les faits se sont chargés de nous le montrer — en 1940. Les « éternels » principes de la guerre eux-mêmes, éternels parce qu’ils se réduisent à l’application de quelques vérités de bon sens que l’on a trop souvent tendance à oublier dans l’action, ne sont valables qu’à condition d’être dépouillés de toute la gangue de réminiscences et d’expériences passées qui s’y attache presque toujours, tant dans l’esprit des hommes que dans l’enseignement des écoles.
Par contre, s’il ne s’agit plus de rechercher des recettes directement applicables, mais simplement de comprendre certains phénomènes d’adaptation intellectuelle et psychologique, alors l’examen du passé peut nous montrer comment furent résolus — le plus souvent mal résolus, il faut le reconnaître — des problèmes qui ressemblent étonnamment à ceux qui se posent à nous aujourd’hui et nous donner relativement à ces derniers des indications précieuses. Celles-ci tendront d’ailleurs, comme nous le verrons, à nous inciter, d’une part, à développer au maximum notre esprit critique et nos méthodes scientifiques d’investigation, d’autre part, à faire preuve de beaucoup d’humilité dans nos conclusions.
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